Macron et von der Leyen face à Xi pour faire entendre leur voix sur l'Ukraine
Le président français Emmanuel Macron et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen tenteront jeudi à Pékin de porter la voix de l'Europe sur le conflit en Ukraine lors d'un entretien avec Xi Jinping, proche allié de Vladimir Poutine.
Les deux dirigeants seront reçus en fin d'après-midi par le président chinois au palais du Peuple à Pékin, le cœur du pouvoir en Chine.
Ces dernières semaines, la pression internationale est montée d'un cran sur la Chine pour l'inciter à s'impliquer pour la paix en Ukraine. Car, si Pékin se dit officiellement neutre, Xi Jinping n'a jamais condamné l'invasion russe ni même parlé au téléphone avec son homologue ukrainien Volodomyr Zelensky.
A l'inverse, il s'est rendu il y a peu à Moscou pour y réaffirmer son alliance avec le président russe, aux allures de front anti-occidental.
Dans ce contexte, Emmanuel Macron a l'ambition d'"être une voix qui unit l'Europe", comme il l'a rappelé mercredi dans un discours. "Et donc venir à Pékin accompagné de la présidente de la Commission européenne", "c'est souligner la cohérence de cette démarche".
Mais les deux vont-ils adopter le même ton?
- "Dans le collimateur" -
Ursula von der Leyen, de son côté, a lancé une mise en garde nettement plus sévère la semaine dernière à Bruxelles: "la manière dont la Chine continuera de réagir face à la guerre de Poutine sera un facteur déterminant de l'avenir des relations entre l'UE et la Chine".
"Maintenant qu'elle a prononcé son discours, elle est clairement dans le collimateur de Pékin car elle a exposé une vision assez ferme et dure à l'égard de Pékin qui n'est pas du tout celle d'Emmanuel Macron", explique à l'AFP Marc Julienne, responsable des activités Chine à l'Institut français des relations internationales (Ifri).
"Donc on va voir comment ils vont se répartir les rôles", ajoute-t-il, la position de fermeté de la dirigeante européenne pouvant faire "qu'Emmanuel Macron se fasse voler la vedette par Ursula von der Leyen".
Mais "jouer au bon flic et au mauvais flic entre Macron et von der Leyen à Pékin affaiblirait instantanément le récit européen d'un front uni", avertit dans une note d'analyse Antoine Bondaz, de la Fondation pour la recherche stratégique.
Le président Macron, qui sera reçu dans la matinée par le Premier ministre Li Qiang puis le président de l'Assemblée nationale Zhao Leji, aura dans l'après-midi un entretien en tête-à-tête avec Xi Jinping, avant des déclarations à la presse, un entretien trilatéral incluant Mme von der Leyen et enfin un dîner d'Etat.
- Tensions autour de Taïwan -
Cette visite survient à un nouveau moment de tension autour de la question de Taïwan, avec la rencontre, aux Etats-Unis, entre la présidente taïwanaise, Tsai Ing-wen, et le président de la Chambre américaine des représentants, Kevin McCarthy. Jeudi, Pékin a promis une réponse "déterminée".
La Chine estime que l'île de Taïwan, peuplée de 23 millions d'habitants, est l'une de ses provinces, qu'elle n'a pas encore réussi à réunifier avec le reste de son territoire depuis la fin de la guerre civile chinoise en 1949.
"Je n'ai pas le sentiment qu'il y ait une volonté de surréagir" côté chinois, a relativisé Emmanuel Macron, interrogé par des journalistes à ce sujet. Le dernier épisode de tension en août dernier, provoqué par la visite à Taïwan de Nancy Pelosi, alors à la tête de la Chambre des représentants, avait déclenché le lancement d'exercices militaires massifs autour de l'île.
Marc Julienne juge quant à lui "nécessaire de faire part au président Xi Jinping de la vive préoccupation que l'on a quant à la stabilité du détroit de Taïwan et quant à l'éventuelle rupture du statu quo", rappelant que "la France se présente comme une puissance de l'Indo-Pacifique".
Le déplacement du président Macron, qui vise à renouer le dialogue en face à face après trois ans à distance en raison de la crise sanitaire, aura aussi un volet économique: il est venu entouré d'un imposant aréopage de plus de 50 chefs d'entreprises françaises, dont ceux d'Airbus, EDF et Veolia.
"Plusieurs contrats importants seront signés" jeudi, a-t-il promis, appelant à ne pas se "désassocier" de la Chine.
En revanche, concernant l'accord d'investissements (CAI) entre UE et Chine négocié en 2020 mais toujours en attente de ratification, il a estimé que "ce n'est pas la priorité du moment, en tout cas ce n'est pas le sujet sur lequel j'engagerais le plus de capital politique".
A.Dankwers--HHA