Retraites: 12e round dans la rue, avant le verdict constitutionnel
Ultime démonstration de force des opposants à la réforme des retraites avant le verdict du Conseil constitutionnel: des centaines de milliers de personnes sont attendues dans les cortèges de l'Hexagone jeudi à l'appel de l'intersyndicale, toujours unie.
Après quasiment trois mois, la mobilisation devrait rester conséquente, bien qu'en décrue par rapport à la dernière journée d'action, il y a une semaine.
Les autorités prévoient entre 400 et 600.000 personnes dans les rues, à comparer avec les 570.000 recensés le 6 avril et 740.000 le 28 mars.
L'affluence était déjà moindre à Toulouse, où la police a compté 9.000 participants et la CGT 70.000, chiffres les plus faibles depuis le 11 mars, point bas du mouvement social entamé mi-janvier.
Véronique Goutagny, 60 ans, agente d'escale chez Air France qui a été de tous les défilés dans la Ville rose, espère encore "faire plier le gouvernement" mais ne se fait guère d'illusion sur la décision cruciale du Conseil constitutionnel: "Vu sa composition, il n'y a rien du tout à attendre".
Objet de toutes les attentions, l'institution logée dans le Palais Royal, au coeur de la capitale, est sous haute surveillance. Jeudi matin, une brève tentative de blocage, avec poubelles et fumigènes, s'est soldée par quatre interpellations.
Situé sur le parcours du cortège parisien - qui doit relier à partir de 14h00 la place de l'Opéra à celle de la Bastille - le lieu et ses abords seront interdits à toute manifestation dès jeudi soir et jusqu'à samedi matin, a fait savoir le préfet de police.
"Le Conseil constitutionnel a droit à la sérénité", a justifié le porte-parole du gouvernement Olivier Véran.
- "On va se revoir" -
Les grèves entraînent quelques perturbations dans les transports, avec 3 TER sur 5 et 4 TGV sur 5 en circulation, et un trafic légèrement perturbé des métros et RER en région parisienne.
Dans les airs, la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) a demandé aux compagnies aériennes de renoncer à 20% de leurs vols à Nantes, Bordeaux et Toulouse.
Et dans les écoles, le ministère de l'Education nationale dénombrait environ 5% d'enseignants grévistes à la mi-journée, dans les régions pas encore en vacances.
Comme lors des précédentes journées de mobilisation, des blocages de lycées et d'universités ont été signalés dans plusieurs villes, dont Lille, Paris et Strasbourg.
Dans l'énergie, l’entrée de la raffinerie de Feyzin, près de Lyon, a été bloquée deux heures. Un barrage filtrant a aussi été mis en place à la centrale nucléaire de Gravelines.
Des blocages de route ont également eu lieu dans la matinée autour de plusieurs villes de l'ouest, notamment à Caen, Brest et Rennes.
Côté déchets, la CGT a annoncé à Paris un "acte 2" de la mobilisation des éboueurs avec un nouvel appel à la grève reconductible à partir de jeudi. Les éboueurs parisiens n'avaient pas ramassé les poubelles pendant trois semaines en mars.
L'accès à l'incinérateur de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) était perturbé par un barrage filtrant et celui d'Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne) était le théâtre d'un blocage, auquel s'est jointe en début de journée la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet. "Ce n'est pas le dernier jour de mobilisation, on va se revoir encore beaucoup", a-t-elle affirmé.
- "Esprit de concorde" -
D'autres actions coup de poing ont eu lieu, notamment une brève occupation du siège du géant du luxe LVMH, dans le quartier des Champs-Elysées.
La tension reste ainsi palpable à l'approche de la décision du Conseil constitutionnel, attendue vendredi en fin de journée.
Il semble peu probable que les Sages annulent la totalité de la réforme. Mais ils pourraient élaguer le texte et renforcer les arguments de l'intersyndicale en faveur d'une suspension ou d'un retrait.
Depuis Amsterdam, où il était en visite, Emmanuel Macron a promis mercredi aux syndicats, "dans un esprit de concorde", un "échange qui permettra d'engager la suite et de tenir compte" du verdict du Conseil.
Le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, suggère qu'en cas de censure partielle, le chef de l'Etat utilise l'article 10 de la Constitution pour permettre de proposer au Parlement une nouvelle délibération.
Une éventuelle validation par le Conseil constitutionnel du référendum d'initiative populaire lancé par la gauche pourrait également redonner aux opposants un nouvel objectif.
Dans un tel scénario, "on pourra s'engager sur une campagne, continuer la mobilisation sous des formes adaptées", expliquait mercredi Benoît Teste (FSU).
Parmi les hypothèses envisagées pour la suite par les syndicats, des défilés unitaires le 1er mai, voire une vaste manifestation à Paris.
Ils doivent se réunir jeudi soir, selon des sources concordantes, pour préparer leur réaction aux décisions du Conseil constitutionnel.
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F.Schneider--HHA