Loi anti-Tiktok dans le Montana: un pas de plus vers l'interdiction de l'appli aux Etats-Unis
Le Montana a adopté vendredi une loi pour bannir TikTok, un texte qui a peu de chance d'être appliqué en l'état, mais qui pourrait renforcer la volonté des Etats-Unis d'interdire pour de bon la populaire plateforme du groupe chinois ByteDance.
Votée à 54 voix pour (avec 43 voix contre), la loi SB419 doit encore être promulguée par le gouverneur républicain de cet Etat du nord-ouest du pays, qui compte un peu plus d'un million d'habitants.
Comme de nombreux élus démocrates et républicains du Congrès américain, les représentants du Montana pensent que la plateforme de vidéos courtes et divertissantes, fréquentée par 150 millions d'Américains, permet à Pékin d'espionner et de manipuler les utilisateurs.
Le texte ordonne aux magasins d'applications mobiles (Apple et Google) de ne plus distribuer TikTok à partir du 1er janvier 2024.
Le Montana devient ainsi le premier Etat américain à avoir adopté une loi pour interdire TikTok. Mais elle sera certainement contestée en justice, et a peu de chances d'être appliquée telle quelle.
"La constitutionnalité de ce texte sera décidée dans les tribunaux. Nous allons continuer à nous battre pour les utilisateurs et créateurs de TikTok dans le Montana", avait déclaré une porte-parole de l'application avant le vote.
"Il est temps de tenir tête aux Chinois et de bannir TikTok", a lancé jeudi le représentant républicain Brandon Ler après un réquisitoire contre la Chine, qui "veut nos données et notre propriété intellectuelle", et une application dangereuse pour "la santé et la sécurité, surtout des plus jeunes".
- "Manque d'expertise" -
"TikTok permet et promeut des défis dangereux, comme de jeter des objets sur des véhicules en mouvement ou de consommer trop de médicaments", a-t-il ajouté.
Des élus démocrates opposés à la nouvelle loi ont fait valoir lors d'un débat jeudi que de nombreux reproches faits à TikTok en matière de confidentialité des données, de désinformation ou d'effets néfastes sur la santé (addiction, dépression, etc.) s'appliquent aussi à d'autres réseaux sociaux.
"Il y a un immense fossé entre les enjeux très sérieux de ce sujet (...) et le manque d'expertise de cette assemblée", a ainsi déclaré Zooey Zephyr.
Cette représentante a souligné que les habitants du Montana pourront quand même télécharger l'application simplement en se rapprochant de la frontière avec les Etats voisins ou en utilisant un VPN (réseau virtuel privé), qui permet d'accéder à internet depuis une autre localisation.
"L'interdiction de TikTok est inconstitutionnelle en termes de liberté d'expression, impraticable puisqu'elle exempte les fournisseurs d'accès à internet et les VPN, et animée par des préjugés anti-chinois", a tweeté mercredi Keegan Medrano, un responsable de la branche locale de la puissante association de défense des droits civiques ACLU.
Le texte mentionne des amendes pour les sociétés en infraction, mais pas pour les utilisateurs. Apple et Google n'ont pas réagi dans l'immédiat à des sollicitations de l'AFP.
La loi serait invalidée si TikTok était acquise par une entreprise d'un pays "non considéré comme un ennemi" des Etats-Unis.
- Le ballon de trop -
La Maison Blanche a récemment incité TikTok à chercher ce type de solution -- un rachat par une société américaine -- si elle veut pouvoir rester aux Etats-Unis.
Les tensions commerciales et politiques avec la Chine alimentent depuis des mois l'animosité des élus et de l'opinion publique à l'égard du gouvernement chinois.
Le survol en février d'un ballon chinois supposé espion, notamment au-dessus du Montana, n'a pas arrangé les choses.
"Je ne sais pas si cette loi serait passée si ce n'était pas arrivé", fait remarquer Andrew Selepak, professeur spécialiste des médias à l'université de Floride.
L'administration de Joe Biden discute avec le Congrès de plusieurs projets de lois visant à interdire l'application, dont le "RESTRICT Act".
Mais ce dernier texte, contrairement à celui adopté dans le Montana, va bien au-delà de l'interdiction de TikTok, note Andrew Selepak: "Il donne plus de pouvoirs au gouvernement pour surveiller les activités des Américains sur les résaux sociaux. Je pense que les propositions de loi centrées uniquement sur TikTok ont plus de chances de réussite."
TikTok nie depuis des années les accusations d'espionnage par la Chine par son entremise.
Auditionné en mars à Washington par des élus intraitables, le patron de l'entreprise, Shou Chew, a mis en avant les moyens déployés pour stocker toutes les données des utilisateurs américains uniquement aux Etats-Unis.
"On ne vous croit pas", lui avait assené Cathy McMorris Rodgers, la présidente d'une puissante commission parlementaire. "ByteDance est redevable au Parti communiste chinois, et ByteDance et TikTok, c'est la même chose."
J.Fuchs--HHA