Retraites: promulgation éclair, les syndicats indignés
Emmanuel Macron s'adressera dès lundi aux Français, après la promulgation express de la réforme des retraites, qui a indigné syndicats et oppositions samedi et montré la volonté du président de relancer vite son deuxième quinquennat entravé par la crise sociale et politique.
La "loi du 14 avril 2023 de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2023", signée vendredi soir par le chef de l'État après la validation de l'essentiel de la réforme par le Conseil constitutionnel, a été publiée au Journal officiel très tôt samedi.
L'Élysée a annoncé dans la foulée que le chef de l'État s'adresserait aux Français lors d'une allocution lundi soir, a priori à 20H00.
Mais, refusant d'entrer dans l'"agenda" d'après-crise de l'exécutif, tous les syndicats ont fait part de leur "détermination" à poursuivre le combat contre le recul de l'âge légal à 64 ans. En commençant par décliner une invitation mardi à l'Élysée.
La publication ultra-rapide de la réforme, alors que l'intersyndicale unie depuis trois mois de contestation "avait demandé "solennellement" au président de "ne pas promulguer la loi", est "totalement honteuse", a dénoncé la secrétaire générale de la CGT Sophie Binet.
"Le mépris renvoyé aux travailleurs aura été constant. Mais leur dignité dans la rue est plus forte", a réagi son homologue à la CFDT Laurent Berger, pour qui "la sagesse démocratique exigeait" d'attendre.
Marine Le Pen a épinglé une "énième provocation contre les Français".
C'est un "absurde affichage d'arrogance" pour le leader de LFI Jean-Luc Mélenchon et un signe de "fébrilité" selon le numéro un du PS Olivier Faure, qui a promis un "harcèlement démocratique" pour revenir sur les 64 ans. Députés et sénateurs socialistes ont prévu de déposer un texte législatif demandant l'abrogation de la réforme.
Le ministre du Travail Olivier Dussopt a affirmé samedi qu'il ne voyait pas "quelle différence cela faisait" d'attendre pour promulguer la loi.
Cette réforme, "c’était la seule manière de protéger les plus faibles, leurs pensions, ceux qui avaient le niveau de rémunération, le niveau de qualification le plus modeste", a défendu samedi le ministre de l'Economie Bruno Le Maire, à l'occasion d'un Conseil national du parti présidentiel Renaissance à Paris.
- "Colère cheminote" -
A peine la réforme promulguée, des violences ont de nouveau émaillé samedi une manifestation à Rennes où des commerces ont été vandalisées, des voitures brûlées en plus d'affrontements avec les forces de l'ordre.
L'intersyndicale mise elle sur le traditionnel rendez-vous du 1er mai qu'elle souhaite transformer en "journée de mobilisation exceptionnelle et populaire" contre le cœur de la réforme, la retraite à 64 ans.
En attendant, les quatre syndicats représentatifs de la SNCF ont annoncé "une journée d'expression de la colère cheminote", dès jeudi.
Et la CGT a évoqué des actions à venir dans tous les secteurs jeudi ainsi que le 28 avril.
Renouer avec les syndicats ne sera pas chose aisée. "Il y aura du ressentiment, des cicatrices", glisse un proche du chef de l'Etat.
Dans la rue, des manifestations ont accompagné de huées vendredi la validation partielle par le Conseil constitutionnel du texte, auquel il a seulement retranché quelques "cavaliers législatifs" tel l'index senior.
Des rassemblements se sont tenus à Paris, Lille, Toulouse, Strasbourg, Marseille et encore Rennes, où les portes d'un poste de police ont été incendiées brièvement.
Jeudi, la 12e journée de mobilisation avait livré le deuxième plus faible score de mobilisation depuis le début du mouvement (380.000 manifestants selon le ministère de l'Intérieur, 1,5 million selon la CGT).
- Borne parle samedi -
Fragilisée depuis l'adoption de la réforme par 49.3 à l'Assemblée, Élisabeth Borne s'exprimera samedi après-midi devant les cadres Renaissance.
Elle a fait part cette semaine des conclusions de ses consultations à Emmanuel Macron, qui l'avait chargée de trouver les voies pour "élargir la majorité". Sans résultat probant à ce stade.
Mme Borne pourrait livrer quelques pistes pour la suite... dont elle devrait rester un acteur. Mais avec les mêmes difficultés, faute de majorité absolue.
Olivier Véran a confirmé samedi que le passage progressif de l'âge de départ à la retraite de 62 à 64 ans commencerait bien dès septembre, au rythme d'un trimestre par an. La réévaluation de certaines petites pensions de retraites sera lancée au même moment.
M.Schneider--HHA