Au Soudan, au moins 56 civils tués après 24 heures de combats
Militaires et paramilitaires s'affrontent dimanche pour le deuxième jour consécutif à Khartoum, une lutte de pouvoir entre les deux généraux aux commandes du Soudan depuis leur putsch en 2021, faisant en 24 heures 56 morts parmi les civils.
La communauté internationale, qui a assisté impuissante au coup d'Etat d'octobre 2021 et n'est pas parvenue depuis à convaincre les généraux de signer un plan de sortie de crise, multiplie les appels au cessez-le-feu. La Ligue arabe se réunit en urgence à 10H00 GMT au Caire, à l'appel de l'Egypte et de l'Arabie saoudite, deux acteurs influents au Soudan.
Depuis des semaines, ils s'opposaient politiquement. Mais samedi matin, les divisions entre le général Abdel Fattah al-Burhane, chef de l'armée, et le général Mohamed Hamdane Daglo, dit "Hemedti", à la tête des Forces de soutien rapide (FSR) - des milliers d'ex-miliciens de la guerre du Darfour devenus supplétifs officiels des troupes régulières - ont dégénéré en violences.
Fusils, artillerie, avions de combat, tout a été utilisé dans la capitale et plusieurs villes du pays de 45 millions d'habitants, parmi les plus pauvres au monde, déchiré par la guerre durant des décennies.
Dimanche, de nouveau, les bombardements résonnent dans les rues désertes de Khartoum envahies par une forte odeur de poudre. Sur les réseaux sociaux, les médecins n'en finissent plus de réclamer de l'aide, des couloirs sécurisés pour les ambulances et un cessez-le-feu pour soigner les victimes.
Les militaires avaient prévenu dans la soirée sur Facebook: "L'armée de l'air va mener des opérations pour en finir avec les milices rebelles du Soutien rapide, les civils doivent rester chez eux".
Des combats à l'arme lourde opposent militaires et paramilitaires dans la banlieue nord de la capitale, ainsi que dans le sud de Khartoum, ont rapporté des témoins.
Partout dans la capitale, des hommes en treillis, armes en main, déambulaient dans des rues vides de tout civil, alors des colonnes de fumée s'élèvent depuis samedi du centre-ville où se trouvent les principales institutions du pouvoir.
- Tirs d'artillerie -
Selon des médecins prodémocratie, 56 civils ont été tués, pour plus de la moitié à Khartoum et dans ses banlieues, tandis que des "dizaines" de militaires et paramilitaires sont morts sans qu'aucun bilan précis ne soit disponible. En outre, environ 600 personnes ont été blesées.
Le conflit couvait depuis des semaines, empêchant toute solution politique dans un pays qui tente depuis 2019 d'organiser ses premières élections libres après 30 ans de dictature islamo-militaire.
Impossible en l'état de savoir quelle force tient quoi. Les FSR ont annoncé avoir pris l'aéroport en quelques heures samedi mais l'armée a démenti. Les FSR ont également dit tenir le palais présidentiel. L'armée a démenti et assure surtout tenir le QG de son état-major, l'un des principaux complexes du pouvoir à Khartoum.
Quant à la télévision d'Etat, les deux parties assurent aussi l'avoir prise. Aux alentours, des habitants font état de combats continus alors qu'à l'antenne - comme lors du coup d'Etat - seuls des chants patriotiques sont diffusés sans aucun commentaire.
Car la guerre ouverte entre les généraux est aussi médiatique: samedi, Hemedti a enchaîné les interviews aux chaînes de télévisions du Golfe, dont plusieurs Etats sont ses grands alliés, multipliant les injures contre son rival, le général Burhane, qui, lui, n'est pas jusqu'ici apparu.
Hemedti n'a cessé de réclamer le départ de "Burhane le criminel", alors que l'armée, elle, publiait sur son compte Facebook un "avis de recherche" contre Hemedti.
Les deux hommes toutefois ont répondu au téléphone quand le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a appelé pour réclamer "un arrêt immédiat de la violence". Il a également exhorté le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, grand voisin influent, à agir alors que depuis samedi Le Caire s'inquiète d'une vidéo montrant plusieurs de ses soldats apparemment aux mains d'hommes des FSR.
O.Meyer--HHA