Législatives en Colombie, possible vote sanction contre la droite
Près de 39 millions de Colombiens votaient dimanche pour renouveler les deux chambres du Parlement et désigner les candidats qui s'affronteront le 29 mai à la présidentielle, où la gauche, pour la première fois dans l'histoire du pays, part favorite.
Les électeurs renouvellent pour quatre ans les 296 membres du Sénat et de la Chambre basse, un parlement sortant contrôlé par une droite au pouvoir à bout de souffle, et à l'image considérablement ternie par les affaires de corruption.
Les quelque 12.500 bureaux de vote sur tout le territoire fermeront à 16H00 (21H00 GMT), avec les premiers résultats attendus dans la foulée.
- "Changer ce Congrès!" -
A Bogota, des électeurs se sont rendus en nombre en matinée dans les bureaux de vote surveillés par les forces de l'ordre, a constaté l'AFP dans plusieurs quartiers de la ville.
"Je vote pour changer ce Congrès où ce sont toujours les mêmes qui ne font rien" depuis des années, a déclaré à l'AFP l'infirmière Carolina Lopez (30 ans), dans le centre de la capitale.
Dans un pays où la violence des groupes armés s'est accrue de façon alarmante ces dernières années, le gouvernement conservateur du président Ivan Duque a assuré avoir mis en place les "garanties complètes" pour le bon déroulement du processus électoral qui s'enclenche ce dimanche, avec la présidentielle de mai en ligne de mire.
"Nous voulons que les citoyens se déplacent en masse (...), et votent en toute conscience, sans pression ni ingérence", a déclaré, après avoir voté, le président Duque.
A la mi-journée, le gouvernement a fait état d'une "normalité totale" dans le déroulement du vote dans le pays. Deux soldats ont néanmoins été tués et deux autres blessés dans des attentats à la bombe dans le sud du pays, selon l'armée.
Une ONG colombienne, la Mission d'observation électorale, a annoncé avoir reçu 181 plaintes pour "irrégularités" et a évoqué des "difficultés pour les infrastructures technologiques" d'organisation du vote.
A Bogota, de fortes pluies à la mi-journée pourrait jouer contre la participation, généralement faible pour ce type de scrutin.
Alors que la Colombie est sortie accablée par les ravages économiques de la pandémie et blessée par la répression des manifestations massives du printemps 2021 contre le gouvernement, les analystes prévoient un vote de sanction contre le gouvernement sortant et le parti de droite du "Centre démocratique".
Un large éventail de mouvements sociaux, issus notamment de la contestation populaire de 2021, vont également pouvoir mesurer leur force face aux partis traditionnels, à l'égard desquels beaucoup de Colombiens disent leur lassitude. Ceci alors que les législatives mobilisent peu d'habitude.
Si la violence armée dans les provinces inquiète, elle n'est paradoxalement pas au coeur des débats. Le chômage, la baisse du pouvoir d'achat ou l'insécurité urbaine ont semblé plus préoccuper pendant la campagne.
Nouveauté du scrutin, les victimes du conflit avec l'ex-guérilla marxiste des FARC, qui a déposé les armes grâce à l'accord de paix de 2016, auront leurs propres représentants au Parlement, où seize sièges leur sont spécialement réservés pour les deux prochaines législatures.
- Trois coalitions -
Les électeurs ont aussi la possibilité de prendre part aux primaires des principaux partis pour choisir leur candidat respectif à la présidentielle du 29 mai, à laquelle le chef de l'Etat sortant ne peut se représenter.
Ils peuvent désigner, au choix, le candidat d'une des trois coalitions de centre-droit ("Equipe Colombie"), de centre-gauche ("Coalition Centre-espérance"), ou de gauche ("Pacte historique").
La désignation du candidat de la gauche Gustavo Petro, guérillero reconverti au "progressisme" social-démocrate, ne fait aucun doute. Selon tous les sondages, M. Petro, 61 ans, fait figure de favori face au camp conservateur divisé, miné par l'impopularité du gouvernement Duque et l'usure de son vieux champion, l'ex-président Alvaro Uribe, empêtré dans les démêlés judiciaires.
Son accession au pouvoir constituerait un séisme politique en Colombie, qui a toujours été dirigée par la droite conservatrice.
L'ancien maire de Medellin Federico Gutierrez est en bonne place pour remporter l'investiture du centre-droit, tandis qu'au centre-gauche, l'ex-gouverneur du puissant département d'Antoquia Sergio Fajardo est le favori.
Sept autres candidats sont d'ores-et-déjà inscrits pour la présidentielle dont l'ex-otage Franco-colombienne Ingrid Betancourt.
A Bogota ou Medellin, ces candidats ont voté dans la matinée sous l'oeil des caméras, y allant chacun ou chacune de son petit commentaire pour mobiliser les électeurs en sa faveur. "Aujourd'hui, le changement commence dans les urnes, par un vote qui apporte l'espoir et la vie en Colombie", a commenté M. Petro.
T.Schmidt--HHA