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Violences au Mexique: le martyr de cinq amis d'enfance hante Lagos de Moreno
Violences au Mexique: le martyr de cinq amis d'enfance hante Lagos de Moreno / Photo: ULISES RUIZ - AFP

Violences au Mexique: le martyr de cinq amis d'enfance hante Lagos de Moreno

Des mains en ont laissé des traces de sang sur les murs d'une maison abandonnée à Lagos de Moreno dans l'ouest du Mexique, où cinq jeunes, amis d'enfance, ont été torturés par des narcotrafiquants présumés, qui les ont présumément obligés à s'achever entre eux.

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Trois semaines après, Dante, Diego, Jaime, Roberto Carlos et Uriel ont grossi la liste des 111.200 personnes portées disparues dans un pays où l'insécurité devrait être l'un des thèmes de la campagne présidentielle 2024.

Comme des milliers d'autres, leurs familles ne peuvent pas commencer leur deuil, car les corps ont disparu. Pas de corps, pas de délit, telle est la logique des assassins.

A elle seule, Lagos de Moreno compte 404 disparus depuis 2009. Beaucoup ont terminé dans des fosses clandestines, des fours, des cuves à acide.

"Nous avons toujours l'espoir qu'ils nous rendent le corps pour lui donner une sépulture chrétienne", affirme Armando Olmeda, père de Roberto Carlos.

Appelé ainsi en hommage à l'ex-star brésilienne du Real Madrid, Roberto Carlos, 20 ans, était étudiant en ingénierie industrielle. Il aimait la boxe et envisageait d'émigrer au Canada.

Il avait retrouvé ses quatre amis Dante, Diego, Jaime et Uriel le vendredi 11 août au soir dans le quartier ouvrier San Miguel.

- Terreur -

Les cinq jeunes ont été séquestrés, et emmenés vers une maison abandonnée à l'écart de la localité.

Cinq enlèvements de plus? Une vidéo partagée par les bourreaux a réveillé l'indignation dans tout le pays.

Les cinq martyrs sont à genoux, les mains attachés, bâillonés. L'un d'entre eux attaque l'un de ses amis, probablement sous la pression des criminels. Sur cette séquence, deux corps gisent déjà à terre.

"Mon frère s'est retrouvé au mauvais endroit au mauvais moment", soupire Ana Martinez, frère de Jaime, un maçon de 21 ans. Un "crack" au football, qui a renoncé à une carrière professionnelle faute de moyens, se souvient-elle.

A Lagos de Moreno, l'affaire des cinq disparus tétanisent les jeunes.

"Etre jeune à Lagos et sortir la nuit, c'est se mettre un pistolet dans la bouche" assure un étudiant. "Je ne sais pas si je vais rentrer".

La police "brille par son absence", se plaint un commerçant local, en constatant une baisse du chiffre d'affaires.

Après le crime, les autorités ont arrêté 85 personnes pour disparition présumée, a indiqué à l'AFP le coordinateur de sécurité de l'Etat du Jalisco, Ricardo Sánchez.

Sous un soleil intense, des lézards courent devant la maison abandonnée où les cinq jeunes ont été torturés.

Sur les murs, à côté des traces de sang, le crime semble porter une signature: "Bienvenidos MZ", indique un graffiti.

Une allusion à Ismael "Mayo" Zambada, un des chefs du cartel de Sinaloa, en guerre contre le Cártel rival Jalisco Nueva Generación.

Quel peut être le mobile du crime? Recrutement forcé, ou démonstration de force des narcos-terroristes, envisage le père Mauricio Jimenez, prêtre dans cette ville qui compte 112.000 âmes.

- Unesco et Nestlé -

Lagos de Moreno est une charmante ville coloniale classée par l'Unesco. L'économie locale est portée par la présence d'une usine Nestlé.

Il s'agit aussi d'un noeud stratégique entre les Etats du Jalisco, de Guanajuato et de Zacatecas, que les deux principaux cartels du pays se disputent.

Lagos de Moreno se trouve dans le Jalisco, l'Etat qui compte le plus de disparus au Mexique (presque 15.000). La plupart ont été enlevés quand l'ex-président Felipe Calderon a militarisé la lutte anti-drogue.

Dénonçant l'inaction des autorités, les proches fouillent la terre avec des pioches et des pelles.

C'est le cas de José Servin, qui cherche son fils José disparu depuis 2018. Il plante une tige dans la terre, qu'il respire pour voir si jamais elle n'aurait pas l'odeur d'un cadavre.

José Servin mène sa quête désespérée dans la banlieue de Guadalajara -la capitale du Jalisco, deuxième ville du Mexique- à Tlajomulco, où plus de 200 corps ont été retrouvés rien que cette année.

Le père-courage défie les autorités qui ont suspendu les recherches en juillet, quand un attentat a tué quatre agents de la police et deux civils dans cette ville de la banlieue de Guadalajara.

A Lagos de Moreno, la tragédie réveille de vieilles blessures chez les parents des disparus. C'est le cas d'Ana, dont le fils a été désintégré dans de l'acide avec d'autres jeunes en 2013.

Ana n'a reçu en tout et pour tout qu'un os pour identifier Angel, 19 ans par la preuve ADN. "C'est une blessure qui me lacère à chaque heure".

Le père de Roberto Carlos espère que ses blessures commenceront à guérir quand il retrouvera son fils "d'une manière ou d'une autre". "Nous allons continuer de travailler, nous avons besoin de continuer à vivre et à soulager la douleur".

E.Gerber--HHA