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En Espagne, une victime du régime franquiste entendue pour la première fois par un juge
En Espagne, une victime du régime franquiste entendue pour la première fois par un juge / Photo: PIERRE-PHILIPPE MARCOU - AFP

En Espagne, une victime du régime franquiste entendue pour la première fois par un juge

Pour la première fois depuis la mort de Franco en 1975, une victime de tortures sous la dictature va être entendue par un juge en Espagne, où une loi d'amnistie a empêché jusqu'ici toute poursuite.

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Membre d'une organisation étudiante antifranquiste, Julio Pacheco a 19 ans quand il est arrêté à Madrid par la police secrète en août 1975, trois mois avant la mort du "Caudillo" qui dirige alors le pays d'une main de fer depuis sa victoire dans la Guerre civile (1936-1939).

Torturé pendant plusieurs jours à la Direction générale de la sécurité sur la célèbre place de la Puerta del Sol, selon son témoignage, il est ensuite envoyé en prison, accusé de terrorisme.

Quarante-huit ans après les faits, ce retraité de 67 ans a déposé plainte en février contre ses quatre tortionnaires, dont l'ex-commissaire sulfureux José Manuel Villarejo, célèbre en Espagne pour avoir enregistré à leur insu de nombreuses personnalités politiques ou des milieux économiques.

Et la juge en charge du dossier a pris le contre-pied de tant d'autres magistrats avant elle en admettant cette plainte au mois de mai en raison de "la possible existence" de "crimes contre l'humanité et tortures" dans ce dossier.

Initialement prévue en juillet, l'audition de Julio Pacheco aura lieu vendredi à 10H00 (08H00 GMT) dans un tribunal madrilène.

La magistrate a également fait part de son intention de convoquer les accusés et a demandé des documents à la police et aux archives nationales pour mener son enquête à l'issue de laquelle elle décidera un renvoi en justice ou un classement sans suite.

- "Etape importante" -

Si elle n'est qu'une première étape dans la procédure judiciaire, l'audition de vendredi est une victoire pour les associations de victimes, selon lesquelles une centaine de plaintes ont été par le passé rejetées par la justice.

Pouvoir témoigner devant un juge est "une étape importante", a dit à l'AFP Julio Pacheco, dans son appartement d'un quartier populaire de Madrid.

Cet ancien imprimeur espère surtout que son témoignage permettra d'ouvrir "une brèche dans le mur de l'impunité" et amènera les tribunaux à être "plus ouverts face aux prochaines plaintes qui seront déposées".

Jusqu'ici, malgré les demandes insistantes des Nations unies, la justice espagnole a stoppé net toutes les tentatives des victimes de la dictature en invoquant la prescription des faits mais surtout la loi d'Amnistie de 1977.

Ce texte pilier de la transition vers la démocratie, après la mort de Franco le 20 novembre 1975, empêche de poursuivre tout délit politique commis durant la dictature par des opposants mais aussi par "les fonctionnaires et agents de maintien de l'ordre public".

Le célèbre magistrat Baltasar Garzon a été lui-même poursuivi, et finalement acquitté, pour avoir tenté d'ouvrir une enquête sur les crimes du franquisme couverts par cette loi.

Au grand désespoir des victimes, des tortionnaires sont morts et ne pourront jamais être poursuivis, comme le policier Juan Antonio González Pacheco - surnommé "Billy el Niño (Billy the Kid) - décédé en 2020.

- Plaintes en Argentine -

L'une des personnes ayant accusé "Billy the Kid" de tortures n'est autre que l'épouse de Julio Pacheco, Rosa María García, 66 ans, arrêtée comme lui en août 1975, mais dont la plainte a été rejetée.

Elle sera toutefois également entendue vendredi, mais en qualité de témoin, car l'une des tortures à laquelle a été soumis son mari était de la voir être elle-même torturée.

Face aux obstacles en Espagne, des associations de victimes se sont tournées vers l'Argentine où la magistrate Maria Servini a invoqué le principe de justice universelle pour ouvrir en 2010 une enquête, toujours en cours, pour génocide et crimes contre l'humanité durant la Guerre civile et la dictature.

Dans le cadre de ses investigations, elle a lancé en 2014 vingt mandats d'arrêt internationaux contre une vingtaine de représentants du régime franquiste (ministres, juges, policiers) mais s'est vu opposer une fin de non-recevoir par Madrid.

A.Swartekop--HHA