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Fuir le Nagorny Karabakh avec ses pantoufles, son sac à main et son passeport
Fuir le Nagorny Karabakh avec ses pantoufles, son sac à main et son passeport / Photo: ALAIN JOCARD - AFP

Fuir le Nagorny Karabakh avec ses pantoufles, son sac à main et son passeport

Svetlana Isakhanian, 76 ans, a pris la route de l'exil, du Nagorny Karabakh vers l'Arménie, avec pour seuls bagages ses pantoufles vertes, un sac à main et son passeport.

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"C'est tout ce que j'ai. Je n'ai personne, pas de proches en Arménie, je ne sais pas ce que je vais faire", se désespère la vieille dame, qui fait partie d'un premier groupe de réfugiés entré dimanche en Arménie, au poste frontière de Kornidzor, où le gouvernement arménien a mis en place un centre d'accueil.

Elle montre son précieux passeport arménien. Elle possède, comme l'immense majorité des 120.000 habitants du Nagorny Karabakh deux passeports, un rouge local, un bleu pour voyager hors de l'enclave.

Une dizaine d'ordinateurs sont alignés dans le centre d'accueil de Kornidzor : derrière, des bénévoles prennent les noms, les coordonnées des réfugiés pendant que des membres de la Croix-Rouge arménienne improvisent un volley-ball avec les enfants ou distribuent des vivres.

- La tombe de son fils -

Svetlana Isakhanian explique que sa maison à Stepanakert, la "capitale" du Nagorny Karabakh, a été endommagée par les bombardements qui ont accompagné l'invasion éclair cette semaine par l'Azerbaïdjan de cette enclave du Caucase peuplée en majorité d'Arméniens.

Mais elle arrive du village frontalier d'Eghtsahogh. "J'étais allée à Eghtsahogh pour visiter la tombe de mon fils, tué pendant la guerre dans les années 1990, quand ils ont bombardé le village", raconte-t-elle aux envoyés spéciaux de l'AFP.

Le Nagorny Karabakh, rattaché en 1921 par le pouvoir soviétique au territoire azerbaïdjanais, avait été par le passé le théâtre de deux guerres entre les anciennes républiques de l'URSS que sont l'Azerbaïdjan et l'Arménie : l'une de 1988 à 1994 (30.000 morts) et l'autre à l'automne 2020 (6.500 morts).

Cette fois, l'opération militaire a été bouclée en 24 heures, les forces séparatistes n'ayant pas fait le poids face à Bakou, et Erevan ayant refusé d'engager ses troupes dans un nouveau conflit dans ce territoire.

La vieille dame arménienne confirme aussi que les habitants de Stepanakert font face à d'énormes difficultés dans leur vie de tous les jours.

"Ma maison a été endommagée par les bombardements à Stepanakert. Les gens cuisinent dehors car il n'y a plus d'électricité, ils cuisinent au feu de bois. Ceux qui viennent des villages et qui se sont réfugiés à Stepanakert dorment dehors", témoigne-t-elle.

"Ce serait impossible de revenir vivre au Nagorny Karabakh" avec les Azerbaïdjanais, tranche-t-elle, tant les haines sont profondes entre les deux peuples dans cette région qui avait déclaré unilatéralement son indépendance de Bakou en 1991, avec le soutien d'Erevan. Le rôle de la religion y est important, entre d'un côté l'Arménie, un royaume chrétien depuis le IVe siècle, et de l'autre l'Azerbaïdjan, une terre chiite des rives de la Caspienne.

- 15 minutes pour faire ses valises -

Dans la foule des réfugiés, Shamir, un agriculteur de 28 ans qui ne donne pas son nom, a quant à lui quitté son village proche de la frontière avec sa femme.

"J'ai tout abandonné derrière moi, mes animaux, tout. D'abord, on a cru que seuls les habitants d'Eghtsahogh pouvaient partir, puis on a appris qu'on pouvait aussi. On a eu 15 minutes pour faire nos affaires, on n'a rien pu prendre", raconte cet homme à l'air épuisé.

"Le village a été encerclé par l'armée azerbaïdjanaise. On n'avait pas de problèmes de nourriture, on avait des potagers et le CICR nous apportait de la farine", assure-t-il, après qu'un premier convoi d'aide du Comité international de la Croix-Rouge a pu entrer samedi au Nagorny Karabakh.

"Quand j'ai réalisé que l'Artsakh (le nom du Nagorny Karabakh en arménien) était azerbaïdjanais, on a décidé de partir car aucun Arménien ne peut vivre sur une terre azerbaïdjanaise", confie celui qui a l'intention de s'installer dans une région d'Arménie où il a de la famille.

Mais il a laissé derrière lui la tombe de sa fille de trois ans. "Je ne lui ai pas dit au revoir car j'espère bien y retourner".

O.Rodriguez--HHA