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Avant l'exil, les Arméniens du Nagorny Karabakh jettent leur passé au feu
Avant l'exil, les Arméniens du Nagorny Karabakh jettent leur passé au feu / Photo: ALAIN JOCARD - AFP

Avant l'exil, les Arméniens du Nagorny Karabakh jettent leur passé au feu

Avant de tout abandonner dans leur exode vers l'Arménie, les habitants terrorisés du Nagorny Karabakh brûlent leurs uniformes, leurs photos de famille et même leurs livres pour éviter qu'ils tombent aux mains des Azerbaïdjanais.

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Sur son téléphone, dans le relais routier où elle mange son premier vrai repas en 24 heures depuis sa fuite de Stepanakert, la "capitale" de l'enclave, Angelina Agabekian montre une vidéo des documents militaires de son mari en train de partir en fumée.

On voit aussi le fils du couple déposer en souriant ses jouets et son vélo à roulette près du bûcher, "pour qu'aucun Azerbaïdjanais ne joue avec".

Plus d'une semaine après la capitulation, le 20 septembre, des autorités du Nagorny Karabakh, l'exode de ses habitants, débuté dimanche, commence à se tarir.

Tous racontent la "cruauté" de cette guerre, bien plus destructrice que les précédentes, ainsi que leur frayeur face à l'arrivée des soldats ennemis, alors que dans chaque foyer, chaque homme a eu l'expérience du combat.

- "Souillé par les Azerbaïdjanais" -

Au centre humanitaire de Goris, où affluent encore des centaines de réfugiés par heure, Larissa arrive tout juste de Stepanakert.

La jeune fille, la dernière de sa famille plutôt aisée à être partie, ne s'est pas seulement débarrassée des livrets militaires de ses frères. Elle a brûlé toutes "les archives familiales", raconte-t-elle.

"Les photos de famille, nos souvenirs, les livres d'histoire de nos héros. Il est hors de question que les Azerbaïdjanais les souillent", dit-elle.

Les Arméniens ont en mémoire des images, diffusées sur les réseaux sociaux, d'Azerbaïdjanais ridiculisant leurs symboles après la guerre de l'automne 2020 remportée par les soldats de Bakou: des ânes revêtus d'uniformes arméniens, de l'urine ou des crachats sur des drapeaux du Nagorny Karabakh...

D'autres images, bien plus violentes, montraient des prisonniers de guerre exécutés ou des cadavres de soldats profanés. Les ONG internationales ont appelé de longue date les autorités azerbaïdjanaises à enquêter sur des crimes de guerre présumés.

Avant de prendre la route à 20 dans quatre voitures, la famille Haroutiounian, hébergée temporairement dans un petit hôtel à l'entrée de Goris, a elle aussi brûlé jusqu'aux médailles militaires "jetées dans le four".

"On nous a dit que s'ils (les Azerbaïdjanais) voyaient des photos ou des uniformes, ils les prendraient et qu'on se ferait arrêter", explique Novella, 65 ans, la grand-mère et la plus virulente de la famille. "Tout le village a brûlé les uniformes. Puis on est partis" dans l'affolement.

Selon Marine, la fille de Novella, les soldats azerbaïdjanais ne sont pas rentrés dans leur localité de Paravatumb mais ont occupé ses hauteurs dès le 20 septembre. La nuit, des projecteurs étaient braqués sur les habitations, "comme si on était sous surveillance".

- Ne pas brûler les maisons -

En 2020, au moment de quitter des territoires rétrocédés à l'Azerbaïdjan après la guerre, l'AFP avait été témoin d'habitants arméniens brûlant leurs maisons.

Rien de tel pour l'instant: le ministère de l'Intérieur de l'enclave a demandé "de ne pas brûler maisons, appartements et magasins jusqu'à ce que l'ensemble de la population se rende en Arménie".

"En cette période difficile, faites preuve de responsabilité et respectez les règles de sécurité", ajoute son communiqué.

Entre Kornidzor et Goris, près d'une station-service où il charge sa voiture en bouteilles de gaz et se ravitaille en cigarettes, l'ancien soldat Garri Harioumian, 38 ans, raconte avoir supprimé de son téléphone toutes ses photos ayant un lien avec l'armée, même celles de ses "copains morts".

La guerre a été "terrible", ajoute-t-il. "Quand elle a commencé, on s'est dit que c'était l'occasion de reprendre ce qu'on avait perdu. Mais le déséquilibre était trop fort, ils avaient toutes les armes".

Maçon dans le civil, Garri Harioumian n'a pas brûlé la maison qu'il construisait de ses mains et dont il ne lui restait que le toit à finir.

"J'ai laissé un message en russe sur le mur: +S'il vous plait, j'ai travaillé dur, ne la détruisez pas+".

A.Wulhase--HHA