Décès de Jean-Pierre Elkabbach: une page du journalisme politique se tourne
Il s'est tu: le vétéran du journalisme politique et ancien président d'Europe 1 Jean-Pierre Elkabbach s'est éteint à 86 ans, suscitant une pluie d'hommages chez ses pairs et autres admirateurs d'un intervieweur tenace qui a marqué son époque.
Canal+ et Europe 1 ont annoncé le décès de leur ancienne vedette mardi soir sur X (ex-Twitter), peu après sa révélation par l'hebdomadaire Paris Match.
Les réactions politiques ont afflué de la part de tous ceux qu'il avait interviewés à un moment ou un autre.
"Jean-Pierre a marqué de son empreinte toute une génération. J'en fais partie, pour avoir tant espéré, alors jeune élu, d'être son invité au micro d'Europe 1 jusqu'à ce qu'il me donne ma chance", a réagi l'ancien président Nicolas Sarkozy sur les réseaux sociaux, faisant part de sa "tristesse".
"Une page de notre histoire politique et médiatique se tourne avec" sa disparition, a estimé son successeur François Hollande, louant une "pugnacité qu'aucun interlocuteur ne pouvait épuiser".
Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a rendu hommage "à un observateur hors pair de notre vie politique nationale".
"Ma première interview fut avec Jean-Pierre Elkabbach ! Autant une épreuve qu'une consécration", a écrit Rachida Dati, maire LR du VIIe arrondissement et ancienne garde des Sceaux.
"Il avait interrogé tous les chefs d'Etat depuis Valéry Giscard d'Estaing et fait vivre notre débat démocratique", a souligné le président du RN Jordan Bardella.
Le leader communiste Fabien Roussel a pour sa part salué un "compagnon de route de la Ve République" dont les "échanges mythiques avec Georges Marchais resteront gravés".
Une allusion à une interview en 1980 sur Antenne 2 avec le secrétaire général du PCF qui le rabroua.
La célèbre formule, "Taisez-vous Elkabbach!", n'a en fait jamais été prononcée par Marchais, mais imaginée par des humoristes caricaturant le débat.
- Longévité -
Sans surprise, les témoignages de respect se multipliaient également chez les journalistes, dont il a marqué plusieurs générations.
"Il a été le premier à me donner ma chance", a ainsi souligné Léa Salamé. "Il cite Mauriac en exergue de son autobiographie +J'ai été aimé… et haï+ (...) Nous, on vous aimait", a-t-elle ajouté.
"On est nombreux à avoir pris ses attaques d'interview en référence", a déclaré Laurence Ferrari sur CNews.
"C'était le meilleur intervieweur qu'on ait eu" a commenté sur BFMTV Alain Duhamel -- son ancien partenaire dans "Cartes sur table" sur Antenne 2 -- louant son "incroyable acharnement" et sa "méticulosité".
"C'est quand même toute une époque", a relevé sur la même chaîne Michèle Cotta, membre du même "clan de journalistes" et de la même génération.
Professionnel infatigable, qui a analysé et commenté plus de 60 ans de vie politique, Jean-Pierre Elkabbach a été patron de radio et de télévision.
Il a parfois été brocardé pour ses amitiés politiques supposées -- de Valéry Giscard d'Estaing à Nicolas Sarkozy puis François Hollande.
Sa longévité à l'antenne avait fini par lasser une partie du public et conduit à son éviction en 2017 d'Europe 1.
Il était alors entré chez CNews, devenant conseiller de Vincent Bolloré, qui contrôlait la chaîne d'info "qu'il a contribué à créer", comme l'a rappelé sur X le directeur général du groupe Canal+, Gérald Brice-Viret.
Delphine Ernotte a salué la mémoire de celui qui fut avant elle patron de France Télévisions et a "amené le débat public dans tous les foyers".
Né en 1937, Jean-Pierre Elkabbach a commencé sa carrière comme correspondant de la RTF à Oran, sa ville natale en Algérie, avant d'être nommé à Paris en 1961.
Après des années sur le petit écran, il entre à Europe 1 au début des années 80 et y fera de très nombreux aller-retours.
Il y était revenu notamment en 1996, éclaboussé par un scandale sur l'attribution de contrats juteux aux animateurs-producteurs stars de France 2, alors qu'il était patron de France Telévisions... et y restera jusqu'en 2017.
O.Zimmermann--HHA