Hamburger Anzeiger - "La peur en permanence": un village arménien vit en suspens près de l'enclave azérie de Nakhitchevan

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"La peur en permanence": un village arménien vit en suspens près de l'enclave azérie de Nakhitchevan
"La peur en permanence": un village arménien vit en suspens près de l'enclave azérie de Nakhitchevan / Photo: Aris MESSINIS - AFP

"La peur en permanence": un village arménien vit en suspens près de l'enclave azérie de Nakhitchevan

Khalida Asrian a pu fuir le Haut-Karabakh mais l'angoisse ne la quitte pas: la route de l'exil l'a conduite dans le sud de l'Arménie, à quelques kilomètres de l'enclave azerbaïdjanaise de Nakhitchevan que Bakou pourrait être tenté de relier, par la force, à son territoire.

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Depuis le petit village viticole d'Areni où elle s'est réfugiée avec neuf membres de sa famille, on aperçoit distinctement les montagnes rouge corail qui font office de frontière avec ce territoire de 5.400 km 2 totalement isolé géographiquement du reste de l'Azerbaïdjan.

"Quand on est venu ici, nous n'avions pas réalisé que nous allions nous trouver près d'une autre frontière", raconte Khalida Asrian.

"Les plus vieux tentent d'être rassurants mais les jeunes sont très inquiets", ajoute cette femme qui a, comme 100.000 autres personnes, fui l'enclave arménienne du Haut-Karabakh, à quelque 200 km à l'ouest, après l'offensive éclair de Bakou des 19 et 20 septembre.

Depuis, beaucoup ici craignent que l'Azerbaïdjan pousse son avantage et lance des opérations pour grignoter le sud de l'Arménie, notamment un corridor longeant la frontière avec l'Iran, pour créer une continuité territoriale avec le Nakhitchevan.

C'est d'ailleurs dans cette enclave que le président turc Recep Tayyip Erdogan s'est rendu pour célébrer la victoire de son allié azerbaïdjanais et déclarer que la reconquête du Karabakh ouvrait de "nouvelles opportunités" dans la région.

A Areni, qui compte près de 2.000 habitants et vient d'accueillir quelque 160 réfugiés du Karabakh, l'inquiétude n'est pas factice.

"Nous sommes prêts à partir à chaque moment. Nous avons cette peur dans nos cœurs en permanence", confie Alina Maïrapetian, née il y a quarante-huit ans à Areni où elle possède une exploitation agricole et un gîte dont elle a gracieusement ouvert les portes à la famille de Khalida.

Alina n'a pas préparé de valises pour être prête à partir dans l'urgence mais, dit-elle, "tous les jours au réveil, on se réjouit de se réveiller dans notre maison".

Pendant que sa mère épépine des poivrons à même le sol, dans la cour de son exploitation, elle dit avoir abandonné tous les travaux dans sa maison de peur que ce soit les Azerbaïdjanais qui en profitent. "On ne sait pas combien de temps on va rester", se lamente-t-elle.

- "+We Will Rise+" -

En charge du commerce et du tourisme à la mairie, Noraïr Gregorian a fort à faire en ce moment. "Bien sûr que nous voyons l’anxiété dans la population, on l'entend dans toutes les conversations", dit-il.

La vie quotidienne suit certes son cours, les rares commerces du bourg sont ouverts et des enfants à vélo descendent en trombe des routes de terre. Mais le coeur n'y est pas.

La fête du vin, qui devait se tenir le week-end dernier et promettait d'attirer des milliers de touristes à Areni, a encore dû être annulée et tout le monde ici se "prépare à défendre le village", clame Noraïr Gregorian.

Encaissé entre les montagnes, Areni ne ressemble toutefois pas à une citadelle imprenable. Sur la route qui y mène depuis la capitale Erevan, on croise quelques camions de l'armée arménienne transportant des pièces d'artillerie et des fourgons militaires de leurs alliés russes mais ils semblent davantage prendre la direction de la frontière sud du pays.

Le soutien de Moscou, Ara Moussaelian n'y croit toutefois plus. Lui aussi a trouvé refuge à Areni avec ses trois enfants après avoir fui le Haut-Karabakh où il servait dans l'armée, mais il est davantage rongé par l'esprit de vengeance que par l'inquiétude.

"Bien sûr qu’il y aura à nouveau la guerre et peu importe où je dois combattre", dit-il dans la modeste terrasse de la maison, encore en travaux, où il s'est établi avec sa famille.

C'est le fait du hasard mais, sur le sweat-shirt de son jeune fils Artur, quelques mots en anglais résument son état d'esprit: "We Will Rise" ("Nous nous relèverons").

Au Karabakh, l'ancien soldat affirme avoir vu les troupes de Bakou commettre des atrocités lors de l'offensive de septembre, et guette l'heure des représailles. "Je veux me venger, peu importe où je suis", lance-t-il.

J.Fuchs--HHA