Macron sur les terres de Le Pen, prêt à "enrichir" son projet pour convaincre
Il avait promis de partir "à la castagne" sans tarder pour le second tour: Emmanuel Macron est retourné en campagne lundi dans les Hauts-de-France, sur des terres populaires qui ont voté massivement Marine Le Pen au premier tour.
Le président-candidat a été accueilli aux quelques cris de "Anti-Macron!" ou "Macron démission", auxquels ses partisans ont répondu "Macron président!", à Denain (Nord), où la candidate du RN, député de la région, a recueilli 41% des suffrages dimanche.
"Est-ce qu'on a répondu assez vite et fort ? Non. Mais est-ce qu'il faut le repli ? Non plus", s'est-il défendu, ajoutant être venu "expliquer la réponse sociale" de son projet.
Sa stratégie, l'explication, plutôt que les valeurs : "comme il n'y a plus de front républicain, je ne peux pas faire comme s'il existait".
Mais aussi une forme de main tendue à une partie de la gauche ou de la droite. Décidé à "convaincre", il s'est ainsi dit prêt à "compléter" et "enrichir" son projet, notamment sur l'écologie. Il compte d'ailleurs discuter au plus vite avec les dirigeants des partis éliminés, car ils ont selon lui "une part de vérité".
En attendant, face aux 150 habitants massés derrière des barrières, il a été longuement interpellé sur le pouvoir d'achat, la retraite à 65 ans, toujours très critiquée, ou la santé.
Une électrice, qui a crié "Marine", lui reproche de "ne pas savoir ce que c'est d'être ouvrier. On en est malade de votre réforme, il faudra un déambulateur pour travailler!". Il répond en citant ses mesures pour le pouvoir d'achat. "Dire que je n'ai rien fait pour Denain, c'est faux".
"J'ai voté pour vous (en 2017) mais je le regrette. Vous n'aimez pas beaucoup les retraités", renchérit une femme. Pas loin, un homme lui explique, au contraire, avoir voté PS en 2017, puis "pour vous et je ne le regrette pas".
En passant sur un chantier de terrassement, il a encore tenté d'expliquer sa réforme des retraite, en affirmant que les personnes aux "carrière longues" garderaient un avantage en partant à 62 ans au lieu de 60 ans actuellement, mais progressivement.
En revanche, c'est en citant "le film avec Gabin, La Bête Humaine" (de Jean Renoir), avec les escarbilles..." qu'il a voulu illustrer que les conditions de travail des cheminots avaient changé, ce qui justifiait selon lui la fin de leurs avantages retraite.
Autre plaidoyer, cette fois pour sa proposition de prime sans charge ni impôt, judicieuse selon lui pour l'employeur car elle "évite des couts salariaux qui sont sinon irréversibles, s'il y a une année qui va mal, une année qui va bien".
Après Denain, l'une des villes les plus pauvres de France et ancien fief de gauche, le candidat En Marche s'est rendu à Carvin, dans le bassin minier, avant une dernière étape à Lens. Deux villes qui elles aussi ont choisi en priorité Marine Le Pen.
Accusé d'avoir été trop absent avant le premier tour, M. Macron veut multiplier les visites dès cette semaine, avec plusieurs déplacements et un probable meeting à Marseille samedi.
- "Beaucoup de colère" -
En se rendant sur les terres de son adversaire, il s'agit de prouver qu'il ne délaisse pas les classes populaires, plutôt acquises à Marine Le Pen.
"J'ai vu beaucoup de jeunes qui disent: +j’ai voté M. Mélenchon+. J’essaie de les convaincre", dit-il.
"La revalorisation de la retraite minimale, ce n'est pas un chèque en blanc. On parle de la retraite à 65 ans et pas de ce que qu'elle va financer", a-t-il déclaré. "On ne peut pas promettre des mesures sociales sans les financer", a-t-il insisté, "le projet de Mme Le Pen ne tient pas la route", "c'est de la fausse monnaie".
Une femme "gilet jaunes" lui a reprochée d'avoir voulu l'insulter lorsqu'il a dit vouloir "emmerder les non-vaccinés". "Mais c'était une expression +entre guillemets affectueuse+", s'est défendu le président-candidat. "Quand on dit, je t'emmerde, c'est affectueux ?", a-t-elle ironisé. Soucieux d'apaisement, Emmanuel Macron a laissé entendre qu'après la fin de la phase pandémique, "on pourra réintégrer" les soignants suspendus pour non-vaccination.
"Ici, il y a beaucoup de colère, Denain a été beaucoup oublié. Par rapport au chômage, à la pauvreté. Il doit aller plus vite", témoigne Joëlle Soula, 70 ans.
Mardi, M. Macron fera campagne à Mulhouse et Strasbourg, deux villes ayant porté dimanche M. Mélenchon en tête avec 35-36% des suffrages.
M.Huber--HHA