La Russie accueille froidement le rejet américain de ses exigences
La Russie a froidement accueilli jeudi le rejet par Washington de ses exigences sécuritaires, un échange qui alimente la crise russo-occidentale sur l'Ukraine, mais les deux camps ont gardé ouverte la porte du dialogue.
Les Etats-Unis et l'Otan ont sans surprise formellement rejeté mercredi des demandes clés de Moscou: la fin de la politique d'élargissement de l'Alliance atlantique et un retour de ses déploiements militaires sur les frontières de 1997.
La Russie considère ces points comme des menaces existentielles nourrissant le risque de conflit en Ukraine. Elle veut donc redessiner l'architecture sécuritaire européenne issue de la fin de la Guerre froide et de l'URSS.
- Porte diplomatique ouverte? -
Le chef de la diplomatie Sergueï Lavrov a aussi constaté l'absence de "réponse positive" à la principale revendication russe. Mais il a laissé la porte ouverte au dialogue en relevant qu'on peut "espérer le début d'une conversation sérieuse sur des questions secondaires".
Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a indiqué avoir proposé une "voie diplomatique sérieuse" à Moscou en vue d'une désescalade. Par le passé, les Occidentaux avaient évoqué des dossiers comme le contrôle des armements et des mesures de transparence militaire comme sujets d'intérêts communs.
Washington a exhorté Moscou en outre de ne pas envahir son voisin ukrainien, une offensive qui se traduirait par des "risques mondiaux".
Des dizaines de milliers de militaires russes campent à la frontière ukrainienne avec leurs blindés depuis fin 2021, si bien que les Etats-Unis pensent que Vladimir Poutine pourrait passer à l'action "entre maintenant et mi-février".
La Russie dément tout projet d'invasion, mais s'estime menacée par l'expansion de l'Otan depuis 20 ans ainsi que par le soutien occidental à son voisin ukrainien.
- Soutien chinois à Moscou -
Moscou a prévenu que le rejet de ses exigences allait se traduire par des représailles, balayant au passage les menaces de sanctions sans précédent que les Occidentaux disent vouloir imposer en cas d'offensive en Ukraine.
Berlin a néanmoins martelé que la Russie s'expose à des "conséquences massives" en cas d'agression contre son voisin, mettant sur la table le gazoduc Nord Stream 2, infrastructure stratégique et controversée dont Moscou attend la mise en service depuis des mois.
La Russie peut se satisfaire du soutien explicite de la Chine, le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, ayant défendu jeudi les "préoccupations raisonnables" de Moscou pour sa sécurité, lors d'un échange téléphonique avec son homologue américain.
Si les Ukrainiens ambitionnent de rejoindre l'Otan, les Occidentaux leur signifient depuis des années qu'un tel élargissement n'est pas dans les cartes.
Le Kremlin réclame en revanche des "garanties juridiques" sur la fin de l'expansion de l'Alliance, ce que les Occidentaux refusent de faire au nom du droit des Etats à choisir leurs alliés.
Un principe auquel M. Lavrov oppose "la nécessité de prendre en compte les intérêts de sécurité" des autres .
L'Ukraine reçoit bel et bien une assistance occidentale, même si les autorités ukrainiennes la juge trop limitée face à l'ampleur du soutien russe aux séparatistes pro-russes depuis 2014 dans l'est du pays.
Malgré ses dénégations répétées, Moscou apparaît comme l'instigateur de ce conflit déclenché après l'annexion de la Crimée ukrainienne.
- Des armes aux séparatistes ? -
Dans ce dossier, une lueur d'espoir est apparue mercredi soir après des semaines de rhétorique guerrière: une réunion à Paris a rassemblé négociateurs russes, ukrainiens et médiateurs franco-allemands qui se sont entendus sur un nouveau rendez-vous en février.
La France a salué "un bon signal" de "réengagement" de la part des Russes, avant un entretien vendredi entre le président Emmanuel Macron et Vladimir Poutine.
Parallèlement, cependant, le parti du Kremlin, Russie Unie, a appelé mercredi à armer les séparatistes en Ukraine.
Jeudi, le principal représentant de ces sécessionnistes a réclamé des armes modernes, en particulier pour faire face aux drones ukrainiens, acquis auprès de la Turquie et réputés d'une efficacité redoutable.
Renforçant le sentiment d'une possible escalade militaire, Washington a "exhorté" mercredi ses ressortissants à "envisager de partir maintenant" d'Ukraine.
Le chef de la diplomatie ukrainienne Dmytro Kouleba a jugé la menace plus mesurée, estimant que les forces russes en l'état ne suffisaient pas à "une offensive à grande échelle".
Th.Frei--HHA