Kenya: le président Ruto limoge la quasi-totalité du gouvernement après les manifestations
Le président kényan William Ruto a limogé jeudi la quasi-totalité de son gouvernement, hormis son vice-président et son ministre des Affaires étrangères, deux semaines après des manifestations meurtrières.
Après avoir "écouté ce que le peuple du Kenya a dit et après une évaluation globale de la performance de mon gouvernement et ses réalisations et ses défis, j'ai aujourd'hui (…) décidé d'en limoger avec effet immédiat tous les membres", a annoncé le chef de l'Etat lors d'une conférence de presse au palais présidentiel.
Un remaniement ministériel était attendu depuis les manifestations d'ampleur nées après l'annonce de nouvelles ponctions fiscales en juin, qui a poussé des milliers de jeunes à protester dans la rue.
Seuls le ministre des Affaires étrangères Musalia Mudavadi et le vice-président Rigathi Gachagua conservent leurs portefeuilles, a poursuivi M. Ruto.
"Je vais immédiatement engager de vastes consultations à travers différents secteurs et formations politiques, dans le but de définir un gouvernement à base élargie qui m'aidera à accélérer et accélérer les mesures nécessaires et urgentes", a également déclaré le chef de l'Etat.
"Les événements récents qui ont nécessité le retrait du projet de loi de finances, et qui nécessiteront une révision et une réorganisation de notre budget (...) nous ont amenés à un point de bascule", a également affirmé M. Ruto.
- "Table rase" -
Pour le chef de l'Etat, le nouveau gouvernement doit lui permettre de mener à bien des "mesures radicales" pour répondre au "fardeau de la dette", augmenter les opportunités d'emploi et lutter contre la corruption.
"Il est surprenant qu'il (Ruto) les ait tous écartés, y compris ses alliés clés Kindiki (ministre de l'Intérieur) et Chirchir (ministre de l'Energie) qui sont avec lui depuis longtemps", a commenté à chaud auprès de l'AFP Declan Galvin, du cabinet de conseil Exigent Risk Advisory, qui estime toutefois que "faire table rase lui sera bénéfique".
Le président kényan a retiré le 26 juin un projet de budget controversé qui prévoyait des augmentations de taxes, au lendemain d'une journée de violences marquée par l'assaut du Parlement par de jeunes manifestants.
La police avait alors tiré à balles réelles sur la foule. Selon l'agence officielle de protection des droits humains (KNHCR), 39 personnes sont mortes depuis la première manifestation le 18 juin.
- Pris de court -
Le gouvernement a été pris de court par l'ampleur de la contestation baptisée "Occupy Parliament" ("Occuper le Parlement"), née sur les réseaux sociaux après la présentation du budget au Parlement le 13 juin et qui a trouvé un puissant écho au sein de la "Génération Z" (jeunes nés après 1997).
Le projet de budget a catalysé un mécontentement latent visant le président Ruto. Elu en août 2022 sur une promesse de défense des plus modestes, il a ensuite accru la pression fiscale sur la population.
"Le président du Kenya a dissout son gouvernement !!! Le pouvoir appartient toujours au peuple !!!", s'est rapidement réjouie sur X une figure du mouvement de contestation contre le projet de budget, Hanifa Adan.
Après le retrait du projet de budget, William Ruto a annoncé une hausse des emprunts - d'environ 169 milliards de shillings (1,2 milliard d'euros) - ainsi qu'une baisse des dépenses de l'ordre de 177 milliards de shillings (1,3 milliard d'euros).
Dans la foulée, l'agence de notation financière Moody's a abaissé la note de la dette à long terme du Kenya, avec des perspectives négatives.
La dette publique du Kenya, locomotive économique d'Afrique de l'Est, s'élève à environ 10.000 milliards de shillings (71 milliards d'euros), soit environ 70% du PIB.
Le budget 2024-25 prévoyait 4.000 milliards de shillings (29 milliards d'euros) de dépenses, un record, financé par des hausses de taxe sur le pain initialement, puis sur les carburants dans une seconde version.
P.Meier--HHA