Hamburger Anzeiger - "J'aimerais rentrer chez moi": en Haïti, la détresse des déplacés internes

Euronext
AEX 0.59% 881.73
BEL20 0.25% 4227.31
PX1 0.78% 7235.11
ISEQ 1.08% 9608.75
OSEBX -0.19% 1454.21 kr
PSI20 -0.2% 6418.34
ENTEC -0.41% 1416.23
BIOTK -0.55% 3004.1
N150 0.2% 3294.56
"J'aimerais rentrer chez moi": en Haïti, la détresse des déplacés internes
"J'aimerais rentrer chez moi": en Haïti, la détresse des déplacés internes / Photo: ROBERTO SCHMIDT - AFP/Archives

"J'aimerais rentrer chez moi": en Haïti, la détresse des déplacés internes

Cela fait un an et demi que Philomène Dayiti a dû fuir les gangs et se réfugier dans une église de Port-au-Prince, transformée en camp pour déplacés internes. Sa détresse est celle de centaines de milliers de Haïtiens, à la vie bouleversée par la violence.

Taille du texte:

"La seule chose que je demande: j'aimerais rentrer chez moi, trouver un endroit où me reposer. Je ne peux pas rester ici indéfiniment", dit-elle à l'AFP.

Mme Dayiti, 65 ans, vivait au Bas-Delmas, une zone dangereuse de la région métropolitaine de la capitale, et gagnait de quoi subsister chichement en vendant des produits divers dans la rue.

Les affrontements entre gangs ayant rendu son quartier invivable, elle a pu s'abriter dans l'Eglise internationale primitive, à Delmas 19, dans l'agglomération de Port-au-Prince. La petite cour du lieu de culte est devenue un camp de fortune où s'entassent quelque 800 personnes, entourées d'effets personnels accrochés à des murs ou à des cordes à linge.

Comme Mme Dayiti, de nombreux Haïtiens ont dû abandonner leur domicile dans la peur à cause des bandes armées, qui sévissent depuis des années mais dont les exactions ont récemment connu un regain d'intensité.

Selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), il y a désormais près de 600.000 déplacés internes en Haïti, après une augmentation de 60% depuis mars.

Car fin février, les bandes armées ont lancé des attaques coordonnées à Port-au-Prince, disant vouloir renverser le Premier ministre controversé de l'époque Ariel Henry.

Ce dernier a fini par démissionner et a été remplacé par des autorités transitoires qui doivent s'atteler à la tâche monumentale de rétablir la sécurité: la capitale est à 80% aux mains des gangs, accusés de meurtres, viols, pillages et enlèvements contre rançon.

- Bouclier humain -

Roberto, qui vivait "paisiblement" dans une petite communauté à Croix-Des-Bouquets, près de la capitale, s'est également réfugié dans l'Eglise internationale primitive.

"Le matin du 21 janvier 2023, alors qu'on vaquait à nos activités quotidiennes, on a entendu plusieurs coups de feu. Puis on a vu des bandits armés envahir la zone et se l'accaparer. Ils nous ont dit de ne pas paniquer et que le quartier était maintenant sous leur contrôle", raconte ce père de deux adolescents qui préfère ne pas donner son nom de famille.

"Ils ont tiré toute la nuit, et quand on a vu ça, en tant que bons parents, on a vu qu'on n'était plus à notre place", ajoute-t-il.

Avec sa famille, ils sont donc partis. Pour ne pas éveiller les soupçons, le départ s'est fait dans la discrétion, sans même que Roberto n'emmène d'affaires personnelles.

Car souvent, racontent des témoins, les bandes armées obligent des habitants à rester sur place pour servir de bouclier humain en cas d'opération policière.

"Ils ont détruit tous mes biens. Je possédais une voiture, un magasin, je n'ai plus rien, je suis redescendu au plus bas", dit Roberto.

"Je m'adresse aux (dirigeants) de l'Etat haïtien: pendant que vous bavardez à travers le monde entier, moi j'ai tout perdu en une fraction de seconde", lance-t-il.

- Représailles -

Méus Lotaire, 61 ans, le pasteur de l'Eglise internationale primitive, reconnaît que la tâche est lourde et que la cohabitation entre personnes déplacées est parfois difficile.

"Ça me demande beaucoup (d'efforts) pour gérer tout ce monde (qui vient) d'horizons divers" et doit coexister dans un espace restreint, dit-il. "On a des problèmes de toutes sortes, (comme) les toilettes", dont le nombre est insuffisant.

"Il y a tellement de personnes ici (...), ça grouille de monde", décrit-il. Parfois, elles "ne peuvent pas respirer".

L'accès aux soins est également problématique, plusieurs hôpitaux ayant dû fermer ou réduire leurs services en raison des violences.

Ici, c'est l'ONG Alima, connue pour ses unités médicales mobiles, qui vient examiner les patients: mesurer la tension, fournir des médicaments, peser un nouveau-né.

Le pasteur salue son travail "colossal". Elle "soigne des centaines de patients", affirme-t-il.

Y compris des personnes n'habitant pas dans le camp, comme Nehemie Laguerre, 20 ans, dont la famille vit non loin de l'église.

La jeune femme a accouché la veille. Elle est venue se faire ausculter et va rentrer avec des médicaments ainsi que des conseils sur la manière de s'occuper de son bébé, son premier.

Au début, elle ne tenait pas à le garder mais n'a pas réussi à avorter, explique-t-elle.

Elle habite au Bas-Delmas. Quelle est la situation chez elle? Nehemie préfère ne pas en dire davantage, de peur de représailles.

strs-iba/eml

F.Wilson--HHA