Nouvelles frappes israéliennes meurtrières sur le Liban, "au bord du gouffre" selon l'ONU
Israël a mené mardi de nouvelles frappes meurtrières contre le Hezbollah au Liban, après les bombardements qui ont fait plus de 550 morts la veille et font redouter un embrasement de la région près d'un an après le début de la guerre à Gaza.
"Le Liban est au bord du gouffre", a lancé le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, devant l'Assemblée générale des Nations unies à New York, qui s'est ouverte au moment où l'escalade militaire s'aggrave entre l'armée israélienne et le Hezbollah, soutenu par l'Iran et allié du Hamas palestinien.
Mardi, une nouvelle frappe a touché la banlieue sud de Beyrouth, un des bastions du Hezbollah, détruisant deux étages d'un immeuble situé dans une zone densément peuplée, selon un photographe de l'AFP. Six personnes ont été tuées, selon un bilan provisoire des autorités libanaises.
L'armée a annoncé avoir frappé Beyrouth ainsi que "des dizaines de cibles du Hezbollah" dans le sud du Liban, et visé des infrastructures et des armements du mouvement islamiste.
Le Hezbollah a revendiqué des tirs de missiles Fadi 2 vers Israël et annoncé avoir visé des sites militaires proches d'Haïfa, le grand port du nord, dont une "usine d'explosifs" à environ 60 kilomètres de la frontière libanaise, ainsi que la ville de Kiryat Shmona.
A Haïfa, survolée par les avions de combat, les écoles, les universités et les magasins sont restés fermés mardi, selon une journaliste de l'AFP.
Les bombardements de lundi, d'une intensité sans précédent depuis le début des échanges de tirs à la frontière israélo-libanaise en octobre 2023, ont visé environ 1.600 cibles du Hezbollah, selon l'armée, dans le sud du Liban et la vallée de la Békaa, dans l'est.
Ces frappes ont fait 558 morts, dont 50 enfants et 94 femmes, et 1.835 blessés, selon les autorités libanaises. L'armée israélienne a parlé d'un "grand nombre" de membres du Hezbollah tués.
Des dizaines de milliers de personnes, selon l'ONU, ont fui les zones bombardées, pour chercher refuge à Saïda, la plus grande ville du sud, ou à Beyrouth. D'autres ont pris le chemin de la Syrie.
Mardi, de longues files de voitures étaient bloquées sur la route menant vers la capitale. A Saïda, les gens formaient des files d'attente devant les stations-service et les boulangeries.
- "Jour de terreur" -
"C'était un jour de terreur", a raconté à l'AFP Thuraya Harb, une Libanaise de 41 ans réfugiée près de Beyrouth après un voyage de huit heures depuis Toul, son village du sud.
"Je ne voulais pas partir, mais les enfants avaient peur et nous sommes partis, sans rien d'autre que les habits que nous portons", a ajouté cette femme vêtue d'une longue robe noire, les cheveux recouverts d'un voile.
Le responsable d'un centre de santé à Saksakiyeh, près de Saïda, a décrit des scènes d'horreur.
Il y avait "de nombreux morts: des enfants, des femmes, des personnes dont les membres, le nez ou la main avaient été arrachés, la tête cassée", d'autres qui étaient "éventrés", a déclaré le docteur Moussa Youssef, soulignant que "90 pour cent des blessés" arrivés au centre "étaient des enfants".
Israël avait annoncé ces derniers jours que le centre de gravité de la guerre se déplaçait vers le nord du pays afin de permettre le retour de dizaines de milliers d'habitants déplacés.
Le ministre de la Défense, Yoav Gallant, a estimé lundi que le Hezbollah vivait sa "semaine la plus difficile depuis sa création" en 1982.
Le Hezbollah a promis de continuer à attaquer Israël "jusqu'à la fin de l'agression à Gaza", où la guerre a été déclenchée le 7 octobre 2023 par l'attaque sans précédent du Hamas sur le sol israélien. Depuis, les échanges de tirs n'ont pas cessé le long de la frontière nord d'Israël avec le Liban.
Ces tirs ont gagné en intensité depuis la vague d'explosions meurtrières des appareils de transmission du Hezbollah, attribuée à Israël, les 17 et 18 septembre au Liban, puis une frappe israélienne le 20 septembre sur la banlieue sud de Beyrouth, qui a décapité l'unité d'élite du mouvement.
- "Travailler à une désescalade" -
Alors que l'ONU a dit redouter "une catastrophe imminente" dans la région, le président américain Joe Biden, qui prononcera mardi son dernier discours à l'Assemblée générale, a réaffirmé "travailler à une désescalade".
Les Etats-Unis sont opposés à une invasion terrestre du Liban et vont présenter des "idées concrètes" à leurs partenaires cette semaine à l'ONU pour apaiser ce conflit, a confié un haut responsable américain.
Le nouveau président iranien, Massoud Pezeshkian, a affirmé mardi sur CNN que le Hezbollah ne pouvait "pas rester seul" face à Israël et que la communauté internationale "ne devait pas permettre que le Liban devienne un nouveau Gaza aux mains d'Israël".
La France a demandé la convocation d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité de l'ONU tandis que l'Irak a demandé une "réunion urgente" des pays arabes.
Malgré l'inquiétude générale, les deux camps comprennent les risques d'une guerre à grande échelle, estime toutefois l'analyste politique israélien Michael Horowitz.
"C'est une situation extrêmement dangereuse, mais, à mon sens, elle laisse encore la place à la diplomatie pour éviter le pire," a-t-il expliqué à l'AFP.
La guerre dans la bande de Gaza a éclaté le 7 octobre 2023, quand le Hamas a mené une attaque dans le sud d'Israël qui a entraîné la mort de 1.205 personnes, majoritairement des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur les chiffres officiels israéliens qui inclut les otages morts ou tués en captivité à Gaza.
En représailles, Israël a promis de détruire le mouvement islamiste palestinien, au pouvoir à Gaza depuis 2007 et qu'il considère comme une organisation terroriste de même que les Etats-Unis et l'Union européenne.
Son armée a lancé une offensive sur la bande de Gaza, qui a fait jusqu'à présent 41.467 morts, en majorité des civils, selon les données du ministère de la Santé du gouvernement du Hamas, jugées fiables par l'ONU. Elle y a aussi provoqué un désastre humanitaire.
A.Swartekop--HHA