Turquie : Funérailles et frappes contre le PKK au lendemain de l'attentat près d'Ankara
Les premières funérailles des victimes de l'attentat contre le siège des Industries de Défense de Turquie mercredi, près d'Ankara, seront célébrées jeudi après une nuit de bombardements qui se poursuivent visant les combattants kurdes du PKK.
Le gouvernement turc a rapidement désigné le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) comme le "probable" responsable de l'attaque qui a fait cinq morts et 22 blessés, plus les deux assaillants, selon le dernier bilan officiel.
De nouvelles images diffusées sur X, émanant de caméras de surveillance du site visé, montrent distinctement une femme et un homme, tous deux jeunes, sortant d'un taxi fusil d'assaut en mains et ouvrant le feu contre les employés avant même de pénétrer à l'intérieur.
Le chauffeur du taxi, dont les obsèques seront célébrées jeudi matin à Ankara, compte au nombre des victimes: il a été abattu par les deux attaquants qui lui ont volé sa voiture, selon les autorités.
En représailles, l'armée turque a mené dans la nuit des raids contre des positions du PKK en Syrie et dans le nord de l'Irak, visant "32 cibles détruites avec succès" assure le ministère de la Défense qui a largement distribué les images des frappes.
Les forces kurdes ont fait état jeudi de 12 civils tués parmi lesquels deux enfants dans des frappes turques visant le nord et l'est de la Syrie, après l'attentat qui a fait au moins cinq morts à Ankara la veille.
Le président Recep Tayyip Erdogan, qui se trouvait à Kazan en Russie lors de l'attaque pour rencontrer le président Vladimir Poutine, doit assister jeudi au sommet des Brics - Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud - "puis regagner Ankara" a précisé la présidence à l'AFP.
Cet attentat survient alors que des signes de détente se multiplient ces derniers temps entre les autorités et les responsables kurdes.
Ainsi, au moment même où se produisait l'attentat, le chef kurde historique du PKK Adbullah Ocalan, détenu à l'isolement depuis 1999 sur une ile-prison au sud d'Istanbul, a reçu mercredi sa première visite et son premier contact en 43 mois avec des proches.
- "Terrain politique" -
Son neveu Ömer Öcalan, député du principal parti pro-kurde au parlement, le Dem (ex-HDP), a lui même confirmé des informations de presse sur X : "notre dernière rencontre en face-à-face avec Abdullah Öcalan avait eu lieu le 3 mars 2020. En tant que famille, nous avons rencontré M. Öcalan des années plus tard, le 23 octobre 2024" a-t-il annoncé.
Son dernier contact avec sa famille avait constitué en un bref échange téléphonique fin mars 2021. Auparavant, il avait pu recevoir la visite de son frère Mehmet Öcalan en aout 2019.
Selon son neveu, qui l'a jugé "en bonne santé", le responsable kurde a souhaité faire passer le message suivant : "Si les conditions se présentent, j'ai le pouvoir théorique et pratique de transférer le conflit du terrain de la violence au terrain juridique et politique".
Un éditorialiste en vue du quotidien Hürriyet, proche du gouvernement, Abdulkadir Selvi, qui précise que la rencontre a duré "deux heures", a également affirmé que "Öcalan s'est dit prêt à déposer les armes".
La demande de visite avait été déposée au mois d'août, précise Hürriyet.
Mardi, le président du MHP (nationaliste) Devlet Bahçeli, principal allié du parti AKP au pouvoir et farouchement hostile au PKK, a invité Abdullah Öcalan à s'exprimer devant le Parlement pour annoncer son renoncement au terrorisme et la dissolution du parti.
Le Dem, troisième force au Parlement, auquel appartient le neveu d'Öcalan a jugé mercredi "significatif" que l'attentat se produise "alors que la société turque discute de solutions pour faire émerger la possibilité d'un dialogue".
Öcalan, "Apo" pour ses partisans ("oncle" et "chef", en kurde) avait été arrêté au terme d'un longue traque en février 1999 à Nairobi.
Fondateur du PKK d'obédience marxiste-léniniste en 1978, il avait opté pour la lutte armée en août 1984 afin d'obtenir la création d'un Etat kurde.
Öcalan avait appelé une première fois au dialogue et au cessez-le-feu en 2012 et de nouveau en 2013, avant que le conflit, sanglant, ne reprenne en 2015 au coeur de Diyarbakir (sud-est), la plus grande ville à majorité kurde du pays.
A l'issue de ces affrontements qui ont fait des centaines de morts dans leurs rangs, les combattants s'étaient repliés dans les montagnes aux frontières de la Syrie et de l'Irak.
I.Hernandez--HHA