Japon: dernière journée de campagne avant des législatives qui s'annoncent serrées
Les candidats japonais aux législatives jettent samedi leurs dernières forces dans la campagne avant un scrutin que plusieurs sondages annoncent particulièrement difficile pour le parti du nouveau Premier ministre Shigeru Ishiba, menacé de perdre sa majorité au Parlement.
M. Ishiba, 67 ans, a accédé au poste suprême le 1er octobre après avoir été élu à la tête du Parti libéral-démocrate (PLD, droite conservatrice) et a aussitôt convoqué des élections législatives anticipées pour tenter de consolider son pouvoir.
Le dirigeant a promis de créer "un nouveau Japon", et espère bénéficier d'une "lune de miel" politique pour pouvoir appliquer son programme de renforcement de la sécurité et de la défense, de soutien accru aux ménages à faibles revenus et de revitalisation des campagnes japonaises.
Mais selon plusieurs sondages, le PLD et son partenaire de coalition le Komeito (centre droit) pourraient peiner à obtenir les 233 sièges synonymes de majorité absolue à la chambre basse du Parlement.
Un tel résultat serait quasiment inédit dans l'histoire du PLD, au pouvoir quasiment sans interruption depuis sa fondation en 1955.
- Situation "extrêmement grave" -
Selon des médias locaux, M. Ishiba pourrait quitter son poste immédiatement en cas de défaite électorale afin d'en assumer la responsabilité, et deviendrait alors le Premier ministre resté le moins longtemps aux affaires dans le pays depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Le record est actuellement détenu par Naruhiko Higashikuni, avec 54 jours en poste en 1945. Les élections de dimanche auront lieu au 26e jour du mandat de M. Ishiba.
Après avoir reconnu vendredi que la situation était "extrêmement grave", le Premier ministre a assuré samedi lors d'un discours de campagne à Tokyo que le PLD voulait "repartir sur de nouvelles bases en tant que parti équitable, juste et sincère".
Le dirigeant pâtit notamment du scandale de financement qui a éclaté au sein de son parti et abouti à des sanctions contre plusieurs dizaines de ses membres ayant omis de déclarer l'équivalent de plusieurs millions d'euros.
Désireux de tourner la page, il s'était engagé à ne pas soutenir la campagne des membres impliqués dans le scandale. Mais selon le quotidien Asahi, le PLD a versé 20 millions de yens (122.000 euros) aux sections locales dirigées par ces responsables, provoquant la fureur de l'opposition.
Hitomi Hisano, un électeur indécis, a déclaré à l'AFP à Tokyo que le scandale du financement du PLD serait un facteur important dans son choix de dimanche.
"Le PLD est au pouvoir depuis trop longtemps" et est devenu "orgueilleux", a déclaré cet homme de 69 ans. "Une partie de moi veut donc les punir (...) Mais il n'y a pas d'autres partis suffisamment fiables", a-t-il regretté.
Shigeru Ishiba est également critiqué pour avoir fait marche arrière sur plusieurs sujets depuis son élection: il se montre ainsi désormais beaucoup plus prudent sur le débat concernant la possibilité pour un couple marié de ne pas porter le même nom de famille, un changement contre lequel les conservateurs sont vent debout.
- Les personnes vulnérables "ignorées" -
Dans de nombreuses circonscriptions, les candidats du PLD sont au coude-à-coude avec ceux du Parti démocratique constitutionnel (PDC), principale force d'opposition parlementaire avant la dissolution, dirigée par Yoshihiko Noda, qui a occupé le poste de Premier ministre en 2011-2012.
"La politique du PLD consiste à mettre en œuvre rapidement des mesures pour ceux qui leur donnent beaucoup d'argent", a déclaré M. Noda samedi lors d'un rassemblement électoral.
"Mais les personnes en position vulnérable, qui ne peuvent pas offrir d'argent, ont été ignorées", a-t-il ajouté, évoquant le soutien insuffisant apporté par le gouvernement aux survivants du violent tremblement de terre survenu dans le centre du Japon le 1er janvier.
Dans tous les cas à l'issue des législatives, "l'écart de sièges va se réduire entre le PLD et l'opposition et une nouvelle situation émergera dans la politique japonaise après l'élection", a estimé Masato Kamikubo, professeur de politique à l'université Ritsumeikan, interrogé par l'AFP.
Le PDC, peut être "une bonne alternative au PLD. Beaucoup d'électeurs le pensent", a-t-il ajouté.
Le positionnement de M. Noda "n'est pas si différent de celui du PLD. C'est fondamentalement un conservateur, à la politique très pragmatique", pour ce spécialiste de la politique japonaise.
Mais, selon lui, une victoire du PDC est cependant "difficile car l'opposition est très divisée".
L.Keller--HHA