Elections au Japon: un Premier ministre à la recherche de soutiens
Le Premier ministre japonais Shigeru Ishiba, qui a exclu de démissionner après sa sévère défaite aux législatives de dimanche et sa perte de majorité, cherche à s'entendre avec d'autres partis pour élargir sa coalition, selon les médias.
D'après les résultats officiels annoncés mardi, le Parti libéral-démocrate (PLD, droite conservatrice), au pouvoir quasiment sans interruption depuis sa fondation en 1955, et son allié le Komeito (centre droit) ont remporté un total de 215 sièges sur les 465 de la chambre basse, résultat insuffisant pour obtenir la majorité absolue (233 sièges).
Les médias locaux évoquent des pourparlers entre le Premier ministre et plusieurs formations d'opposition.
Le Parti démocrate du peuple (PDP, centre) est l'un des "faiseurs de roi" potentiels, avec ses 28 sièges conquis, qui ajoutés à ceux de la coalition permettraient d'obtenir une majorité.
Selon le quotidien Yomiuri, M. Ishiba a décidé de rechercher une entente "partielle" avec le PDP, dont le programme prévoit notamment des subventions pour réduire les factures d'énergie des Japonais.
- "S'il y a une demande de discussions" -
"S'il y a une demande de discussions entre les dirigeants des partis, il n'y a pas de raison de la rejeter, bien que cela dépende de ce dont nous allons discuter", a commenté mardi le dirigeant du PDP, Yuichiro Tamaki.
M. Ishiba, élu au poste de Premier ministre le 1er octobre, envisage également selon le Yomiuri de demander le soutien du PDP lors du vote du Parlement sur son maintien au poste de Premier ministre, qui pourrait avoir lieu le 11 novembre --devant en tout cas se tenir dans les 30 jours après le scrutin.
Yoshihiko Noda, le chef du Parti démocrate constitutionnel (PDC), qui a vu son nombre de sièges augmenter de 96 à 148 dimanche, est également susceptible de courtiser le PDP pour soutenir sa propre candidature en tant que Premier ministre.
Les électeurs ont sévèrement sanctionné dimanche le PLD en raison notamment d'un scandale de "caisses noires" qui a éclaté au sein du parti.
Les Japonais ont également été échaudés par la hausse des prix à la consommation depuis plus de deux ans, et les révélations sur les liens du PLD avec l'Eglise de l'Unification ("secte Moon"), dans le sillage de l'assassinat en 2022 de l'ex-dirigeant Shinzo Abe.
Le revers subi par le parti "est le résultat de la volonté des Japonais de changer la situation actuelle", pense Takako Sasaki, une employée de bureau âgée de 44 ans.
"Les étrangers sont très heureux de visiter le Japon en raison de ses infrastructures et de sa propreté", a-t-elle déclaré auprès de l'AFP.
"Mais ce sont les personnes qui travaillent au Japon qui le maintiennent propre", et il est donc “très difficile” pour les habitants de voir les salaires quasiment stagner, selon elle.
A Itabashi, arrondissement du nord de Tokyo, une femme au foyer de 47 ans, qui n'a pas voulu donner son nom, dit en avoir assez du parti au pouvoir.
"L'affaire des caisses noires ne m'a pas trop dérangée. Il s'agissait plutôt d'une accumulation de frustrations de longue date à l'égard du PLD", explique-t-elle, précisant avoir voté pour un petit parti d'opposition, presque par élimination.
Le taux de participation aux élections de dimanche était légèrement supérieur à 50%, mais "il y avait un niveau élevé de frustration parmi le public en général", a expliqué Yutaka Ikeda, 77 ans.
- "Ils n'ont pas écouté les gens"-
L'inflation, les préoccupations liées à l'éducation des enfants et à la stabilité de l'emploi pour les jeunes figurent parmi les principales causes de rejet du parti, selon lui.
"Je pense qu'ils ont subi une perte aussi importante parce qu'ils n'ont pas écouté les gens, dit M. Ikeda. Pendant longtemps, ils ont fait de la politique en se plaçant au centre."
"Tant que notre propre vie ne s'améliore pas, je pense que tout le monde abandonne l'idée qu'il y a quelque chose à attendre des hommes politiques", lâche pour sa part Masakazu Ikeuchi, un employé dans la restauration de 44 ans.
Shigeru Ishiba a reconnu lundi "la suspicion, la défiance et la colère" des électeurs après la gifle reçue dans les urnes, promettant une "réforme fondamentale" sur "le problème des financements et de la politique".
F.Carstens--HHA