Au Ghana, des Afro-américains anxieux à l'approche de l'élection du 5 novembre
Assis devant la télévision dans son imprimerie à Accra, la capitale ghanéenne, Jimmie Thorne, écharpe à l’effigie de la candidate démocrate Kamala Harris autour du cou, regarde la campagne présidentielle sur les chaînes américaines.
A 70 ans, il fait partie des électeurs afro-américains qui suivent de près la course à la Maison Blanche depuis l'autre côté de l'Atlantique.
"Je vote pour Kamala Harris parce que la démocratie est en jeu", confie-t-il, à quelques jours du scrutin qui verra Mme Harris ou Donald Trump, son rival républicain, succéder à Joe Biden à la présidence américaine.
Le Ghana, qui fut l'un des principaux points de départ de la traite négrière vers l'Amérique entre les XVe et XVIIIe siècles, a lancé en 2019 un programme incitant les Afro-américains à renouer avec leurs racines et à venir dans ce pays d'Afrique de l'Ouest.
Depuis cette année dite du "retour", où Accra a commémoré l'arrivée, 400 ans plus tôt, des premiers Africains réduits en esclavage aux Etats-Unis, de nombreux Afro-américains se sont installés définitivement au Ghana.
Lancé par le président ghanéen Nana Akufo-Addo, le programme a également attiré des célébrités de la communauté noire américaine comme l'animateur et humoriste Steve Harvey, le chanteur Usher et l'acteur Samuel L. Jackson, qui ont visité le pays et contribué à renforcer son image de destination touristique.
- "Quelqu'un qui me ressemble" -
Plusieurs Afro-américains qui s’y sont installés définitivement, dont Jimmie Thorne, revendiquent une double identité, et souhaitent continuer à participer à la vie politique du pays qui les a vu naître, en votant malgré la distance, et en partageant leurs opinions politiques sur les réseaux sociaux.
"Si Donald Trump est élu, ce ne sera pas bon pour l’Afrique. Il nous a qualifiés de +pays de merde+ et c’est ainsi qu’il nous voit", explique à l’AFP M. Thorne.
D'autres confient soutenir également Kamala Harris.
"C'est excitant de voir quelqu'un qui me ressemble se présenter à la plus haute fonction", a indiqué à l’AFP Delia Gillis à l’AFP, professeure émérite d'études africaines, qui a quitté les Etats-Unis pour s'installer au Ghana en 2019.
"Les femmes afro-américaines, en particulier (...) ont été des piliers du processus électoral, et nous avons là l'occasion d'élire quelqu'un qui a un comportement présidentiel", a-t-elle ajouté.
Mais tous les Afro-américains du Ghana ne soutiennent pas forcément Mme Harris.
"Je pense que Trump mérite une autre chance", déclare Marcus Wright, un touriste afro-américain au Ghana, qui réfléchit à la possibilité de s'y installer définitivement.
"Les politiques qu'il a menées pendant son mandat ont permis de créer des emplois et de donner aux États-Unis un coup de pouce économique dont le pays avait bien besoin. Je pense qu'il pourrait le faire à nouveau", estime M. Wright.
- "Je me concentre sur l'Afrique" -
D’autres Afro-américains estiment qu'il y bien a d'autres choses à faire que suivre la campagne aux Etats-Unis.
"Je me fiche des élections américaines", déclare Durah Davies, 65 ans, qui vit au Ghana depuis 15 ans.
"Les États-Unis ont commis des atrocités innommables et leurs politiques ont historiquement opprimé les Africains dans le monde entier. Je me concentre sur l'Afrique et sur le bien-être de nos concitoyens", explique-t-il.
D'autant que le Ghana lui-même prépare sa propre élection présidentielle, prévue début décembre et qui s’annonce serrée entre le vice-président Mahamudu Bawumia, candidat du parti au pouvoir, le Nouveau parti patriotique (NPP), et le leader de l'opposition, John Dramani Mahama, du Congrès national démocratique (NDC).
Pour des Afro-américains comme Jimmie Thorne et Delia Gillis, l'avenir politique ghanéen est tout aussi important que les élections américaines.
Mme Gillis estime que le vainqueur, quel qu'il soit, devra mettre l'accent sur les jeunes, car "l'avenir du continent est entre les mains de sa jeunesse".
M. Thorpe, qui a obtenu la nationalité ghanéenne il y a deux ans, votera pour la première fois au Ghana en décembre.
"Je me sens maintenant comme un vrai citoyen. Ma voix compte et je suis impatient de contribuer à l'avenir de mon nouveau pays", dit-il.
L.Keller--HHA