Géorgie: première session du nouveau Parlement après les législatives contestées
Le nouveau Parlement géorgien, élu fin octobre au cours d'élections législatives jugées truquées par l'opposition, s'est réuni lundi pour la première fois en session, bien que la Cour constitutionnelle, saisie par la présidente, n'ait pas statué sur la validité du scrutin.
La crise politique se poursuit un mois après le vote du 26 octobre, officiellement remporté par le parti du Rêve géorgien, au pouvoir depuis 2012. Cette ancienne république soviétique est tiraillée depuis des années entre une volonté de rejoindre l'Union européenne et celle de se conserver des liens avec Moscou.
Les législateurs du parti au pouvoir se sont réunis à 12h00 (08h00 GMT) pour une session inaugurale boycottée par l'opposition, qui juge cette convocation illégale et a annoncé vouloir organiser une grande manifestation à Tbilissi, la capitale de ce pays du Caucase.
La présidente Salomé Zourabichvili, critique de longue date du gouvernement mais qui ne dispose que de pouvoirs limités, a déclaré "inconstitutionnelle" cette session plénière, affirmant que "des fraudes électorales massives ont sapé sa légitimité".
"J'ai refusé de convoquer la première session et la Constitution ne reconnaît à personne d'autre le droit de le faire", a-t-elle écrit sur le réseau social Facebook.
- Recours -
Depuis le scrutin, l'opposition pro-occidentale continue de crier à la fraude et l'UE et les Etats-Unis ont réclamé des enquêtes sur ces allégations d'"irrégularités".
Salomé Zourabichvili a demandé à la Cour constitutionnelle d'annuler la victoire du parti au pouvoir, une procédure qui n'a toutefois que peu de chances d'aboutir. Cette juridiction a un mois pour rendre sa décision, d'après la loi.
Or, selon l'expert en droit constitutionnel Vakhouchti Menabdé, "le nouveau Parlement ne peut se réunir tant que la Cour constitutionnelle n'a pas rendu sa décision sur le recours déposé par (Salomé) Zourabichvili".
En face, Rêve géorgien, accusé par l'opposition de s'être engagé dans une dérive autoritaire prorusse, s'est félicité d'un soutien populaire important. Le parti a remporté, selon les résultats de la Commission électorale, 89 des 150 sièges au Parlement.
Des manifestants ont commencé à se rassembler dans la nuit de dimanche à lundi devant le Parlement à l'appel de l'opposition, installant des tentes et bloquant la circulation le long de la principale artère de Tbilissi.
Des milliers de Géorgiens étaient déjà descendus ces dernières semaines dans la rue pour protester, jusqu'ici sans faire vaciller le pouvoir.
Les députés doivent notamment confirmer lundi dans ses fonctions Irakli Kobakhidzé, le Premier ministre, malgré les critiques de l'opposition qui voit en lui la marionnette du milliardaire Bidzina Ivanichvili, considéré comme lié à la Russie.
- Présidentielle à venir -
M. Kobakhidzé a annoncé lundi que seuls quelques ministres seraient remplacés dans son cabinet et, dans un signal clair adressé à Bruxelles, a nommé Maka Bochorichvili, l'ancien présidente de la commission parlementaire sur l'intégration à l'UE, au poste de ministre des Affaires étrangères.
La date de la prochaine élection présidentielle doit également être annoncée. Mme Zourabichvili a été élue en 2018 pour un mandat de six ans.
Les pouvoirs du président en Géorgie sont très limitées et le chef de l'exécutif est le Premier ministre, issu de la majorité parlementaire.
Pour la première fois dans l'histoire du pays, le nouveau président sera élu par trois cents membres d'un collège d'électeurs composé des députés et de représentants des conseils régionaux et municipaux, et non plus au suffrage universel, à la suite d'une réforme constitutionnelle en 2017.
Ce scrutin à venir sera suivi de près par Bruxelles, la Géorgie souhaitant toujours officiellement rejoindre l'UE, un objectif inscrit dans la Constitution, même si l'opposition accuse le Rêve géorgien de saper ces efforts et de tourner le pays vers Moscou, en plein conflit en Ukraine.
Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a estimé que le scrutin du 26 octobre devait faire l'objet "d'une enquête".
Ces derniers mois, Bruxelles avait mis en garde Tbilissi à plusieurs reprises, expliquant que les législatives détermineraient la suite du processus d'adhésion à l'UE, aujourd'hui gelé.
B.Koessmann--HA