Le Pen ferme sur sa menace de censure après sa rencontre avec Barnier
Marine Le Pen a fermement maintenu lundi sa menace de censure du gouvernement après son entretien avec Michel Barnier, et balayé les avertissements sur un potentiel "chaos" politique et financier si cette hypothèse prenait corps.
Le Premier ministre ouvrait une série de consultations sur les textes budgétaires avec la cheffe du Rassemblement national, qui tient entre ses mains le destin de son gouvernement.
Michel Barnier "m'est apparu campé sur ses positions", a-t-elle affirmé après une rencontre d'une heure dix, en confirmant l'intention du parti d'extrême droite de voter la censure du gouvernement si le budget restait "en l'état".
Elle a jugé notamment "inadmissible" l'augmentation des taxes sur l'électricité et le compromis sur les retraites, et réclamé des économies "claires" sur l'immigration et le fonctionnement de l'Etat.
Juste après cette rencontre, Michel Barnier s'est rendu à l'Elysée pour son rendez-vous hebdomadaire avec le président Emmanuel Macron. Il a reçu ensuite le chef de file du groupe centriste Liot (Libertés, indépendants, outre-mer et territoires) Stéphane Lenormand, reparti sans un mot après une grosse demi-heure d'échanges.
- Minimiser -
En recevant ses opposants, le Premier ministre veut marquer sa volonté "d'écoute" et de "dialogue constructif", selon son entourage, sur le budget mais aussi "sur les autres enjeux du pays".
Marine Le Pen a dit avoir parlé avec Michel Barnier de la future loi sur l'immigration, qui lui a paru "extrêmement prudente", et de la proportionnelle, mais "le chemin semble long", selon elle.
La cheffe de file de l'extrême droite qui, depuis les réquisitoires à son procès sur ses assistants au Parlement européen, a haussé le ton contre le gouvernement, a semblé vouloir anticiper les critiques d'une éventuelle censure, si le RN joignait ses voix à celles de la gauche.
Un vote de censure signifierait la chute du gouvernement Barnier mais aussi le rejet du projet de budget pour 2025. Avec ce scénario, la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon a mis en garde contre le risque d'une crise financière et d'"un scénario à la grecque".
Marine Le Pen s'est défendue d'emblée de provoquer le "chaos" ou la "chienlit", à contre-courant de sa stratégie de dédiabolisation de son parti. "Si ce budget ne passe pas, c'est le budget de l'année dernière qui s'appliquera. Il est plutôt somme toute moins mauvais que celui-là puisqu'il y a moins d'impôts", a-t-elle minimisé.
Elle a aussi renvoyé la responsabilité d'une éventuelle crise politique sur Emmanuel Macron. "Lorsqu'une censure est votée, c'est au président de la République de choisir un nouveau Premier ministre", a-t-elle dit, en réaffirmant vouloir censurer "tout gouvernement" de l'alliance de gauche NFP (Nouveau front populaire).
- "Stabilité" -
Faute de majorité à l'Assemblée, Michel Barnier a prévenu qu'il emploierait "probablement" dans les prochaines semaines l'article 49.3 sur le budget 2025. Et pour survivre à une motion de censure, il lui faut éviter que le RN joigne ses voix à celles de la gauche.
La cheffe de file des députés de La France insoumise Mathilde Panot, qui sera reçue à Matignon en fin d'après-midi, entend répéter à Michel Barnier "qu'il n'a pas de légitimité démocratique" et que LFI déposerait, avec le reste de la gauche, une motion de censure en cas de recours au 49.3.
Cette "coalition des contraires", "je sais que ce n'est pas ce que souhaitent les Français, qui souhaitent aujourd'hui la stabilité, la sérénité", a dit jeudi le Premier ministre.
Mais selon un sondage Ipsos, 53% des Français souhaitent voir le gouvernement tomber. Et la cote de Michel Barnier chute dans un autre sondage Ifop à 36% contre 45% lors de sa nomination début septembre.
Michel Barnier pourrait dégainer le 49.3 dès les textes sur la Sécurité sociale et la gestion des finances en 2024, mais les regards se tourneront surtout sur le projet de budget de l'Etat.
Celui-ci est examiné en séance à partir de lundi au Sénat, avec un vote solennel prévu le 12 décembre, prélude à la réunion d'une Commission mixte paritaire (CMP) réunissant des élus des deux chambres afin d'élaborer un texte de compromis.
Selon le président de la commission des Finances Eric Coquerel (LFI), la lecture définitive de l'Assemblée interviendra le 18 décembre avec très probablement un 49.3 et un vote sur une motion de censure deux jours plus tard.
B.Koessmann--HA