Confusion électorale en Namibie: l'opposition appelle à suspendre le vote
La confusion autour des élections en Namibie s'est accentuée jeudi avec l'appel de la quasi totalité des partis d'opposition à suspendre le vote, toujours en cours selon eux à la mi-journée, bien après la fermeture prévue la veille au soir.
Mercredi en fin de soirée, au vu de l'afflux des électeurs et des interminables files d'attente devant les bureaux de vote, la commission électorale de ce pays d'Afrique australe a décidé de prolonger indéfiniment le vote pour la présidentiel et les législatives qui devait s'achever à 21H00 (19H00 GMT).
Une incertitude de plus autour de ce scrutin qui s'annonce comme le plus indécis de l'histoire du pays depuis son indépendance en 1990.
La candidate du parti historique au pouvoir, Netumbo Nandi-Ndaitwah, qui aspire à devenir la première femme présidente de ce pays d'Afrique australe, pourrait selon les analystes être contrainte à un second tour inédit.
"Il y a des bureaux de vote qui permettent encore aux gens de voter", a assuré jeudi en début d'après-midi Christine Aochamus, la secrétaire générale de la principale formation d'opposition, les Patriotes indépendants pour le changement (IPC).
Elle s'est exprimée au nom de 19 des 20 partis d'opposition, réunis jeudi dans une salle de la commission électorale pour demander de "cesser le décompte des voix et d'arrêter les opérations de vote" encore en cours "dans un certain nombre de bureaux".
Une manière de "tenter délibérément de dissuader les électeurs de voter", avait accusé l'IPC.
Face à ce chaos, la commission électorale ordonné aux bureaux de vote de poursuivre les opérations "sans durée spécifiée". Un "simulacre d'élection" a dénoncé l'opposition, "prolongé sans autorisation".
"Dans plusieurs bureaux, on votait encore ce matin", avait confirmé jeudi en début de matinée à l'AFP un porte-parole de la commission électorale, Siluka De Wet, injoignable depuis.
Les partis d'opposition, invités à midi par cette commission à une réunion pour "faire le point sur les processus post-électoraux", l'attendaient toujours deux heures après.
La réception sous leurs yeux par la commission de la secrétaire générale de la Swapo, le parti historique au pouvoir, a provoqué bousculade et éclats de voix inhabituels dans ce pays qui affiche d'ordinaire sa tranquillité démocratique, mise à mal mercredi.
A l'université des Sciences et Technologie dans la capitale Windhoek, les opérations de vote n'ont pris fin qu'à 5H00, ont raconté à l'AFP des assesseurs ensommeillés qui, en dépit de la nuit blanche, poursuivaient le dépouillement.
- Electeurs "avides de changement" -
L'afflux d'électeurs "déterminés" qui ont voté pendant la nuit est "un signal que les gens sont avides de changement", ce qui "ne ressemble pas à une bonne nouvelle pour le parti en place", a indiqué à l'AFP Ndumba Kamwanyah, professeur à l'Université de Namibie.
"C'est navrant d'attendre pendant des heures pour constater des défaillances comme la pénurie de bulletins", s'est désolé Reagan Cooper, un agriculteur de 43 ans, ajoutant: "La commission électorale nous a trahis".
Armés de patience, de chaises pliantes et de parapluies pour venir à bout de files progressant lentement, les Namibiens ont piétiné parfois jusqu'à douze heures et sous un soleil de plomb avant de pouvoir voter.
Netumbo Nandi-Ndaitwah ("NNN"), figure à 72 ans de la lutte pour la libération, affronte notamment à la présidentielle l'ex-dentiste et avocat Panduleni Itula, 67 ans. Fondateur en 2020 de l'IPC, il avait réuni 29,4% des suffrages à la présidentielle de 2019, sans disposer de parti à l'époque.
Chômage massif, inégalités persistantes et renouvellement des générations ont érodé le soutien à la Swapo sur ce territoire désertique qui figure parmi les premiers fournisseurs mondiaux d'uranium.
A l'issue de trois décennies de règne de la Swapo, mouvement d'inspiration marxiste du temps de la lutte contre l'occupation de l'Afrique du sud de l'apartheid, la Namibie demeure selon la Banque mondiale, le deuxième pays le plus inégalitaire de la planète, après justement l'Afrique du Sud.
La Swapo peut craindre le même sort que ses partis de libération frères dans la région, affaibli comme l'ANC en Afrique du Sud ou balayé comme le BDP au Botswana.
A.Dankwers--HHA