Washington abandonne son offre de récompense pour l'arrestation du nouveau dirigeant syrien
Les Etats-Unis ont annoncé vendredi avoir abandonné l'offre de récompense pour l'arrestation du nouveau dirigeant syrien, l'islamiste Ahmad al-Chareh, jusque-là classé comme "terroriste" par Washington, après une premier contact formel à Damas avec le pouvoir qui a chassé Bachar al-Assad.
Un responsable syrien qui a requis l'anonymat avait auparavant qualifié de "positive" la rencontre de M. Chareh - connu jusqu'à présent par son nom de guerre Abou Mohammad al-Jolani - avec une délégation américaine conduite par Barbara Leaf, la responsable du Moyen-Orient au sein du département d'Etat.
Lui-même visé par des sanctions américaines, M. Chareh est le chef du groupe islamiste radical Hayat Tahrir al-Sham (HTS), fer de lance de l'alliance qui a pris le pouvoir à Damas le 8 décembre, classé comme "terroriste" par plusieurs pays dont les Etats-Unis.
"Sur la base de notre discussion, je lui ai dit que nous abandonnions l'offre de récompense" pour son arrestation "en vigueur depuis quelques années", a dit Barbara Leaf aux journalistes à l'issue de cette rencontre à Damas.
Ancienne branche syrienne d'Al-Qaïda, HTS affirme avoir rompu avec le jihadisme et cherche à rassurer sur sa capacité à relancer et réunifier la Syrie, après plus de 13 ans de guerre civile qui a morcelé et dévasté le pays et une victoire qui a mis fin à un demi-siècle de pouvoir sans partage du clan Assad.
- "Cessez-le-feu" à Kobané -
Mme Leaf a aussi appelé à un cessez-le-feu dans les combats déclenchés, en marge de l'offensive rebelle victorieuse contre Bachar al-Assad, entre les combattants soutenus par la Turquie, alliée du nouveau pouvoir, et les Kurdes syriens, autour de la ville emblématique de Kobané, dans le nord de la Syrie.
"Nous travaillons énergiquement, en discutant avec les autorités turques, ainsi qu'avec les FDS (Forces démocratiques syriennes, menées par les Kurdes syriens). Nous pensons que la meilleure solution est un cessez-le-feu autour de Kobané", a déclaré Mme Leaf.
Cette ville a été érigée en symbole de la lutte contre les jihadistes du groupe Etat islamique (EI), qui y avaient connu leur première défaite avant d'être définitivement vaincus en 2019.
Pour prévenir sa résurgence en Syrie, où il n'a jamais été totalement éradiqué, Washington soutient les FDS, et l'armée américaine a annoncé vendredi avoir tué la veille dans une frappe un cadre de l'EI et un autre membre du groupe dans la province orientale syrienne de Deir Ezzor.
La situation reste particulièrement volatile dans cette partie du pays, où la communauté kurde, longtemps opprimée, craint de perdre l'autonomie limitée qu'elle a chèrement acquise depuis 2011.
Selon l'ambassade américaine, les entretiens ont porté sur les "principes convenus par les États-Unis et leurs partenaires à Aqaba", lors d'une réunion en Jordanie, soit "le soutien à un processus politique inclusif dirigé par les Syriens, qui aboutit à un gouvernement représentatif respectant les droits de tous les Syriens".
Les "événements régionaux, l'intention de la Syrie d'adopter une politique de bon voisinage et l'importance des efforts communs dans la lutte contre le terrorisme", ont également été abordés, selon l'ambassade sur X.
Mme Leaf a aussi rencontré à Damas des membres de la société civile, dont les secouristes syriens des Casques blancs, "pour entendre directement leur vision de l'avenir de leur pays et la manière dont les États-Unis peuvent les aider".
Cette délégation, première mission diplomatique formelle dépêchée par les Etats-Unis à Damas depuis le début de la guerre civile, comprend notamment Roger Carstens, chargé de collecter des indices sur les Américains portés disparus en Syrie, comme le journaliste Austin Tice, kidnappé en août 2012.
- Les femmes "indispensables" -
La France, l'Allemagne, le Royaume-Uni et l'ONU ont envoyé ces derniers jours des émissaires à Damas pour nouer des contacts avec les autorités.
Les femmes sont "absolument indispensables" pour reconstruire la Syrie, a de son côté affirmé vendredi la directrice générale de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), une agence de l'ONU, Amy Pope.
De retour de Syrie, elle a aussi appelé à "réévaluer" les sanctions internationales pour permettre la reconstruction du pays.
La chute de Bachar al-Assad a été accueillie par des scènes de liesse, près de 14 ans après le début de la guerre civile déclenchée en 2011 par la répression de manifestations prodémocratie, qui a fait un demi-million de morts et poussé à l'exil six millions de Syriens.
Dans la capitale, des milliers de Syriens ont de nouveau afflué dans le centre, pour le deuxième vendredi consécutif après la grande prière hebdomadaire, afin de fêter la chute de Bachar al-Assad.
Des habitants avaient reçu dans la matinée sur leur téléphone portable des messages adressés au "peuple de Damas, ville de jasmin", pour participer vendredi au "festival de la libération" sur la place des Omeyyades, au coeur de la ville.
Mais selon l'ONU, le pays exsangue a besoin de toute urgence d'une aide humanitaire "massive". "Le peuple syrien se trouve à un moment historique et à un moment d'opportunité, et cette opportunité ne doit pas être manquée", a affirmé jeudi le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres.
J.Burmester--HHA