Serge Atlaoui, 61 ans dont 17 dans le couloir de la mort
A 61 ans, le Français Serge Atlaoui, condamné à la peine capitale en Indonésie en 2007, vit depuis lors dans le couloir de la mort mais n'a "jamais perdu l'espoir", selon des proches et veut croire aujourd'hui après 19 ans de prison, en un possible rapatriement.
La France a en effet transmis le 19 décembre une demande officielle de transfèrement, a indiqué samedi à l'AFP Yusril Ihza Mahendra, ministre indonésien en charge des Affaires juridiques et des Droits humains.
En 2005, alors âgé de 42 ans, l'artisan soudeur originaire de Metz (est) débarque près de Jakarta pour installer des machines industrielles dans ce qu'il croyait être une usine d'acrylique.
Le 11 novembre 2005, "jour de mon arrestation, je devais m'en aller, mais le chauffeur était déjà parti. La poisse! J'ai nettoyé mes outils, et ils sont arrivés", racontait-il à l'AFP en février 2015, évoquant l'opération de police.
Arrêté sur le site de ce qui était en fait un laboratoire de production d'esctasy, l'homme qui a toujours réfuté toute implication dans un trafic de drogue est condamné dans un premier temps à la prison à perpétuité. La Cour suprême aggrave la sanction en 2007, infligeant la peine capitale au Français ainsi qu'à huit autres membres du "réseau" de trafiquants.
Après des années passées dans une prison de haute sécurité de l'île de Nusakambangan, surnommée l'"Alcatraz indonésien", au sud-est de Java, il est désormais détenu dans la prison de Salemba, à Jakarta.
Prison qui a le mérite d'être proche d'un hôpital, car le Français "est malade", a révélé le 3 décembre en marge d’une conférence de presse M. Yusril.
"L'espoir, c'est la différence entre la vie et la mort", soulignait encore en 2015 M. Atlaoui, qui selon Raphaël Chenuil-Hazan, directeur général de l'association Ensemble contre la peine de mort (ECPM) qui le soutient depuis 2007, "n'a jamais perdu l'espoir, il a un moral à toute épreuve car il pense d'abord à sa famille et aux autres".
"Prisonnier-modèle", c'est lui qui a rétabli le réseau d'eau dans sa prison et a également réparé la charpente, ajoute pour l'AFP M. Chenuil-Hazan, qui lui a rendu visite pour la dernière fois en novembre 2023.
Père de quatre enfants et marié à Sabine, M. Atlaoui "est assez exceptionnel, il a toujours fait preuve d'une résilience qui force le respect", ajoute son avocat français Richard Sedillot.
- "Destin croisé" -
La France a demandé début novembre à Jakarta une série de documents en vue de formuler une demande officielle de transfèrement, selon une source proche du dossier. Jakarta avait ouvert la voie à de possibles rapatriements de prisonniers, indiquant au même moment être également en discussion avec les Philippines et l'Australie.
Les négociations ont rapidement abouti pour la Philippine Mary Jane Veloso, également condamnée à mort, et rapatriée à Manille le 18 décembre. Les cinq derniers membres australiens du Bali 9, en prison depuis 19 ans pour trafic de drogue, ont eux regagné leur pays trois jours plus tôt.
"Serge est bien sûr au courant que Mary Jane (Veloso) a été transférée aux Philippines. Il en est extrêmement soulagé", a encore indiqué M. Chenuil-Hazan pour qui "il y a une sorte de destin croisé entre Serge et Mary Jane", une mère de famille de 39 ans, condamnée à mort en 2010 pour trafic de drogue.
M. Atlaoui et Mme Veloso figuraient tous deux sur une liste de 10 détenus qui devaient passer devent le peloton d'exécution le même jour d'avril 2015. Parmi eux, les deux "cerveaux" australiens du gang des "Bali 9", qui avaient tenté d'écouler de l'héroïne de Bali vers l'Australie.
Huit furent exécutés mais les noms de Serge Atlaoui et Mary Jean Veloso furent retirés de la liste au dernier moment. Le Français avait obtenu un sursis temporaire après que Paris avait intensifié la pression, les autorités indonésiennes ayant accepté de laisser un appel en suspens suivre son cours.
Un média australien avait indiqué en 2015 que l'ex-général Prabowo Subianto, alors dans l'opposition, avait demandé au président de l'époque Joko Widodo, surnommé "Jokowi" de surseoir aux exécutions d'étrangers, dont celle de M. Atlaoui: mettant un éventuel soutien politique dans la balance, M. Prabowo exhortait Jokowi à "ne pas exécuter de ressortissants d'un pays ami".
Cette intervention de celui qui est devenu ensuite ministre de Jokowi puis en 2024 son successeur à la présidence indonésienne, a été confirmée à l'AFP par une source proche du dossier, souhaitant rester anonyme.
Interrogé par l'AFP, un porte-parole de la présidence a en revanche indiqué qu'il "ne pas (pouvait) pas confirmer" cette information.
W.Taylor--HHA