En Syrie, les chefs de la diplomatie française et allemande plaident pour une transition inclusive
Les chefs de la diplomatie française et allemande ont insisté vendredi sur la nécessité d'une transition pacifique et inclusive en Syrie, lors de la première visite à ce niveau à Damas de responsables des grandes puissances occidentales.
Jean-Noël Barrot et Annalena Baerbock, dont la visite intervient sous mandat de l'Union européenne, doivent rencontrer le nouveau dirigeant syrien, Ahmad al-Chareh, dont les premiers pas sont scrutés avec attention.
Ils se sont d'abord rendus à la prison de Saydnaya, symbole de la répression de masse du pouvoir de Bachar al-Assad, ont constaté des journalistes de l'AFP.
Accompagnés par des membres des Casques blancs, des secouristes syriens, ils ont visité les cellules et les geôles souterraines où les conditions de détention étaient inhumaines et où de nombreux détenus sont morts sous la torture.
Selon l'Association des détenus et des disparus de la prison de Saydnaya (ADMSP), plus de 4.000 détenus y ont été libérés le jour de la chute de Damas aux mains des rebelles.
Les deux ministres doivent rencontrer conjointement Ahmad al-Chareh, à la tête d'une coalition dirigée par son groupe islamiste radical, Hayat Tahrir al-Sham (HTS), qui a chassé du pouvoir Bachar al-Assad le 8 décembre.
"Ensemble, la France et l'Allemagne se tiennent aux côtés du peuple syrien, dans toute sa diversité", a écrit sur X le ministre français.
Les deux pays veulent "favoriser une transition pacifique et exigeante au service des Syriens et pour la stabilité régionale", a-t-il ajouté.
"C'est avec cette main tendue, mais aussi avec des attentes claires à l'égard des nouveaux dirigeants, que nous nous rendons aujourd'hui à Damas", a-t-elle ajouté.
"Nous voulons les soutenir dans ce domaine: dans un transfert de pouvoir inclusif et pacifique, dans la réconciliation de la société, dans la reconstruction", a encore dit la ministre, poursuivant que "nous continuerons à juger HTS sur ses actes", "en dépit de notre scepticisme".
- "Espoir fragile" -
Face au défi d'unifier le pays, Ahmad al-Chareh s'est engagé à dissoudre les factions armées, notamment le groupe HTS.
Il a annoncé son intention de convoquer un dialogue national, sans en préciser la date ni qui y serait convié, et indiqué que l'organisation d'élections pourrait prendre quatre ans.
Ahmad al-Chareh réclame une levée des sanctions internationales imposées à Bachar al-Assad après la répression dans le sang d'un soulèvement populaire en 2011, qui a déclenché une guerre ayant fait plus d'un demi-million de morts, provoqué l'exil de millions d'habitants et morcelé le pays.
Son groupe, HTS, ex-branche syrienne d'Al-Qaïda, affirme avoir rompu avec le jihadisme mais reste classé "terroriste" par plusieurs capitales occidentales, notamment Washington.
Jean-Noël Barrot s'est rendu à l'ambassade de France, fermée depuis 2012 mais où le drapeau tricolore flotte depuis le 17 décembre, date à laquelle des émissaires français se sont rendus auprès des nouvelles autorités à Damas.
Il a exprimé l'espoir de voir "une Syrie souveraine, stable et apaisée". "C'est un espoir réel, mais c'est un espoir fragile", a ajouté le ministre.
"Dans les semaines qui viennent, en fonction de l'évolution des conditions de sécurité, nous allons préparer progressivement les modalités de rétablissement de la présence française ici à Damas", a-t-il annoncé.
L'Allemagne, dont l'ambassade est également fermée depuis 2012, avait envoyé des émissaires le 17 décembre, afin de nouer des contacts avec les autorités de transition.
- Syrie "plurielle" -
Des dirigeants de nombreux pays arabes ou occidentaux se précipitent à Damas depuis la chute de Bachar al-Assad, rompant l'isolement imposé à la Syrie depuis la violente répression du soulèvement populaire en 2011.
Le nouveau pouvoir a effectué un clair basculement de la politique de la Syrie, dont les principaux alliés étaient la Russie et l'Iran, se rapprochant notamment de la Turquie et du Qatar et esquissant des ouvertures envers l'Occident.
Jean-Noël Barrot a entamé sa visite par une rencontre avec les représentants religieux de la communauté chrétienne, inquiète de l'arrivée des islamistes au pouvoir.
"La France est attachée à une Syrie plurielle dans laquelle les droits de chacun sont préservés dans le cadre d’une citoyenneté commune", a souligné une source diplomatique.
Les deux ministres prévoient également rencontrer des représentants de la société civile, réprimée par le pouvoir d'Assad et marginalisée.
H.Graumann--HHA