Le Sri Lanka en état d'urgence après la fuite du président aux Maldives
Les manifestations ne faiblissent pas mercredi au Sri Lanka où l'état d'urgence a été instauré après la fuite aux Maldives de son président Gotabaya Rajapaksa dont la démission est attendue dans la journée.
"Le président ayant quitté le pays, l'urgence a été déclarée pour faire face à la situation dans le pays", a déclaré à l'AFP le porte-parole du Premier ministre, Dinouk Colombage.
De son côté, la police a précisé qu'un couvre-feu avait été mis en place dans la province de Colombo pour mettre fin aux manifestations.
Des milliers de personnes se sont rassemblées devant les bureaux du Premier ministre, incitant les forces de l'ordre à tirer des gaz lacrymogènes pour les empêcher d'envahir le bâtiment, comme ils avaient envahi le palais présidentiel samedi.
La foule réclame la démission du Premier ministre Ranil Wickremesinghe en même temps que celle du président.
"Rentre chez toi Ranil! Rentre chez toi Gota", criaient les manifestants.
M. Wickremesinghe, qui assurera l'intérim en cas de démission du président, s'est lui-même engagé à se retirer si un gouvernement d'union nationale était formé.
M. Rajapaksa, 73 ans, qui avait promis de démissionner mercredi, a décollé tôt de l'aéroport international de Colombo avec sa femme et deux gardes du corps à bord d'un Antonov-32, ont indiqué à l'AFP des responsables des services de l'immigration.
"Leurs passeports ont été tamponnés et ils sont montés à bord de ce vol spécial assuré par l'armée de l'air", a précisé à l'AFP un responsable de l'immigration.
Un responsable de l'aéroport de Malé, la capitale des Maldives, a indiqué vers 22H30 GMT que l'avion s'était posé et que les passagers avaient été conduits sous escorte policière vers une destination inconnue à ce stade.
Selon des sources aéroportuaires srilankaises, l'appareil a été retenu pendant plus d'une heure sur le tarmac de l'aéroport dans l'attente d'une autorisation d'atterrir aux Maldives.
- Célébration -
"Il y a eu des moments de tension, mais au bout du compte, tout s'est bien terminé", a indiqué un responsable de l'aéroport sous couvert d'anonymat.
Au même moment, la foule continuait de se presser dans le palais présidentielle, dans une ambiance de célébration, avec des couples déambulant, main dans la main, dans les couloirs du bâtiment.
"Les gens sont très contents, parce que ces personnes ont volé notre pays", explique Kingsley Samarakoon, un fonctionnaire à la retraite de 74 ans. "Ils ont volé trop d'argent, des milliards et des milliards".
Mais il garde peu d'espoir dans la capacité du Sri Lanka à sortir rapidement de la crise. "Comment les gens vont-ils diriger le pays sans argent?" demande-t-il, "c'est un problème".
Le départ du président ne s'est pas fait sans mal. Il avait été refoulé mardi de façon humiliante de l'aéroport de Colombo par les agents de l'immigration.
- Salon VIP -
Ces derniers lui avaient refusé l'accès au salon VIP pour faire viser son passeport alors que le chef de l'Etat voulait éviter le terminal ouvert au public, craignant la réaction de la population.
N'ayant pas encore démissionné, ce qu'il a promis de faire mercredi pour une "transition pacifique du pouvoir", M. Rajapaksa bénéficie encore d'une immunité présidentielle.
Le chef de l'Etat et sa femme avaient passé la nuit de lundi à mardi dans une base militaire proche de l'aéroport international après avoir manqué quatre vols qui auraient pu les conduire vers les Emirats arabes unis.
Son plus jeune frère, Basil, qui a démissionné en avril de son poste de ministre des Finances, a aussi manqué son avion pour Dubaï après une confrontation similaire avec l'immigration.
Il a bien essayé d'utiliser un service de conciergerie payant pour les voyageurs d'affaires mais le personnel de l'aéroport et de l'immigration a annoncé la suppression de ce service rapide avec effet immédiat.
- Argent liquide -
Dans cette fuite, le président srilankais a laissé derrière lui une valise remplie de documents et 17,85 millions de roupies (49.000 euros) en liquide, désormais sous scellés.
Le Premier ministre Ranil Wickremesinghe a confirmé mercredi le départ du président, mais a précisé qu'il ne savait pas quand serait annoncée sa démission.
Si le chef de l'Etat démissionne comme promis, M. Wickremesinghe sera automatiquement nommé président par intérim jusqu'à l'élection par le Parlement d'un député qui exercera le pouvoir jusqu'à la fin du mandat en cours, c'est-à-dire novembre 2024.
En cas de démission remise mercredi, le vote du Parlement se déroulerait le 20 juin, a annoncé son président.
M. Wickremesinghe est toutefois aussi contesté par les manifestants qui campent devant le Secrétariat présidentiel depuis plus de trois mois pour demander la démission du président en raison de la crise économique sans précédent que traverse le pays.
M. Rajapaksa est accusé d'avoir mal géré l'économie, menant à l'incapacité du pays, en manque de devises étrangères, à financer les importations les plus essentielles à une population de 22 millions d'habitants.
Colombo a fait défaut sur sa dette extérieure de 51 milliards de dollars en avril et est en pourparlers avec le FMI pour un éventuel renflouement.
Le Sri Lanka a presque épuisé ses réserves d'essence. Le gouvernement a ordonné la fermeture des bureaux non essentiels et des écoles afin de réduire les déplacements et d'économiser du carburant.
F.Schneider--HHA