Discussions d'experts à Istanbul pour libérer les céréales ukrainiennes
Des délégations d'Ukraine, de Russie et de Turquie se sont retrouvées mercredi à Istanbul pour la première fois en trois mois, pour tenter de débloquer des ports d'Ukraine les exportations de céréales qui font cruellement défaut sur le marché mondial.
Mais, après trois heures de discussions entre experts militaires sur la rive européenne du Bosphore, en présence de représentants de l'ONU, les discussions ont été levées en fin d'après-midi sans qu'il soit possible d'évaluer si elles ont permis la moindre avancée.
Quelque 20 millions de tonnes de céréales sont actuellement immobilisées dans les ports de la région d'Odessa, dans le sud de l'Ukraine, en raison de l'invasion russe déclenchée le 24 février.
Au même moment, 28 roquettes russes ont frappé la ville ukrainienne méridionale de Mykolaïv, non loin de la mer Noire, faisant au moins cinq morts, selon un responsable ukrainien.
Kiev s'attend également à une nouvelle offensive russe dans la région de Donetsk, dans l'est de l'Ukraine, où la localité de Bakhmout, proche du front, a de nouveau été bombardée mercredi matin.
"On ne s'habitue jamais à la guerre, c'est affreux et effrayant", a confié Lioubov Mojaïeva, une agronome de 60 ans allée chercher un peu de nourriture dans l'ancien centre culturel de cette cité.
Les discussions d'Istanbul devaient permettre d'établir des couloirs maritimes sécurisés pour exporter les céréales ukrainiennes entassées dans les ports de la Mer noire par les Russes et la présence de mines posées par les Ukrainiens pour protéger leurs côtes.
L'Ukraine est l'un des principaux exportateurs mondiaux de blé et d'autres céréales et le temps presse, face à la hausse mondiale des prix des denrées alimentaires qui fait peser des risques de famine, en particulier en Afrique.
- Cadre propice -
Selon le ministère russe de la Défense, "la délégation russe a préparé et présenté (...) un ensemble de propositions pour une réponse rapide dans la pratique à cette question".
Moscou avait rappelé mardi son exigence de "contrôler et fouiller les navires pour éviter la contrebande d'armes et un engagement de Kiev à ne pas organiser de provocations".
La Russie veut par ailleurs que l'Ukraine démine ses ports, ce que cette dernière refuse d'envisager, de crainte d'un assaut amphibie sur des villes telles qu'Odessa.
Le chef de la diplomatie ukrainienne Dmytro Kouleba se montrait toutefois relativement confiant sur l'issue de ce rendez-vous : "Nous sommes à deux doigts d'un accord", a-t-il affirmé au quotidien espagnol El Pais.
"Tout dépend de la Russie", a ajouté M. Kouleba qui soupçonne néanmoins les Russes de chercher à priver Kiev de revenus : "Ils savent que si nous exportons, nous recevrons des fonds des marchés internationaux et que cela nous renforcera".
La Turquie, membre de l'Otan et alliée des deux belligérants, multiplie depuis des mois les efforts diplomatiques pour faciliter la reprise des livraisons.
Des responsables turcs ont assuré disposer de 20 cargos en mer Noire prêts à être rapidement chargés de céréales ukrainiennes.
Jusqu'à présent, les efforts turcs, déployés à la demande de l'ONU, n'ont pas permis de régler la situation.
Le déplacement début juin à Ankara du ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov n'avait permis aucune avancée sur le sujet, en l'absence de toute représentation ukrainienne.
Mais les présidents russe, Vladimir Poutine, et turc, Recep Tayyip Erdogan, doivent se retrouver le 19 juillet à Téhéran en marge d'un sommet sur la Syrie, qui pourrait fournir le cadre propice à l'annonce d'un accord.
Le chef de l'Etat turc se pose en médiateur depuis le début du conflit, prenant soin cependant, tout en fournissant des drones de combat à l'Ukraine, de ne pas froisser Moscou.
- "Pause opérationnelle" -
La Turquie et son économie en difficulté, avec une inflation record de 79% sur un an, dépendent étroitement des échanges avec la Russie et du gaz russe.
L'Ukraine s'est même plusieurs fois insurgée contre les navettes de cargos turcs à travers la mer Noire, depuis et vers les ports ukrainiens sous contrôle russe.
La Russie n'a pas mené d'offensive terrestre majeure depuis qu'elle a vaincu début juillet les dernières poches de résistance dans la région de Lougansk, formant avec celle de Donetsk le bassin minier du Donbass, partiellement contrôlé depuis 2014 par des séparatistes prorusses.
Les analystes évoquent une "pause opérationnelle" des forces russes avant l'assaut contre les villes de Sloviansk et de Kramatorsk, le centre administratif du Donbass encore sous contrôle ukrainien, dans la région de Donetsk.
Pour les responsables américains, les Russes tentent de surmonter leurs pertes tout en négociant l'acquisition de centaines de drones de combat avec l'Iran.
De son côté, l'Ukraine tente de contrer les Russes en organisant des attaques de plus en plus puissantes avec de nouveaux systèmes de roquettes américains et européens ciblant les dépôts d'armes.
Selon l'état-major de l'armée ukrainienne, Kharkiv, la deuxième ville d'Ukraine, dans le nord-est, a de nouveau été bombardée mercredi. "L’ennemi continue à donner des assauts pour améliorer sa position et créer des conditions favorables à l’offensive dans le sens Izioum-Sloviansk", a-t-il déclaré.
Le bilan du bombardement russe dimanche d'un immeuble d'habitation à Tchassiv Iar, dans ce même bassin du Donbass, est monté à 46 morts, selon les secours ukrainiens.
W.Widmer--HHA