Pouvoir d'achat: les députés jettent leurs dernières forces dans la bataille
"Dévoiement du débat démocratique" ou "pouvoir retrouvé au Parlement"? Les débats à l'Assemblée nationale sur le paquet de mesures en faveur du pouvoir d'achat traînent en longueur et virent à la guerre des nerfs, avec encore plus de 230 amendements au menu mardi soir.
D'un côté, le gouvernement, privé de majorité absolue, tente d'achever la première lecture du projet de budget rectifié pour 2022, qui devait se terminer initialement vendredi soir dernier, afin que le Sénat puisse s'en saisir cette semaine.
De l'autre, les oppositions, notamment à gauche, défendent pied à pied leurs propositions et cherchent à arracher tout ce qu'elles peuvent, en soutien face à l'inflation galopante.
Ainsi, lundi soir encore, 230 millions d'euros pour les foyers se chauffant au fioul ont été approuvés, par des votes concordants de LR, du RN et de la gauche. Le gouvernement privilégiait lui une aide de 50 millions d'euros.
Le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, a réclamé haut et fort de la modération budgétaire, alors que 44 milliards d'euros de crédits sont déjà ouverts: "Tenons les comptes publics!"
"Nous assistons à un vrai dévoiement du débat démocratique", des "débats interminables" avec de la "pure politique politicienne", a-t-il dénoncé ensuite, alors que les discussions s'éternisaient sur l'accès à l'eau ou les sapeurs-pompiers.
La France insoumise lui a répondu vertement mardi. "Il y a reparlementarisation de la vie politique", s'est félicité Alexis Corbière sur LCI.
Le député a mis en garde contre la "propagande macronienne", avec un "discours anti-parlementaire qui consiste à dire: +C'est une assemblée de bavards, ils font perdre du temps au gouvernement+".
"L'ère d'un Parlement chambre d'enregistrement des desiderata du président de la République est révolu", a renchéri son collègue Adrien Quatennens sur France Inter.
Reste que, dans la majorité comme dans les oppositions, la lassitude perce après ces jours et nuits quasi non stop depuis plus d'une semaine. "On est des femmes et des hommes avec des limites physiques", glisse un élu.
- "Grand n'importe quoi" -
"L'ambiance des nuits passées, c'était du grand n'importe quoi", dénonce Erwan Balanant (MoDem) en soulignant que le vote sur le fioul par exemple "a été applaudi comme si la France avait marqué un but à la finale de la Coupe du monde".
"Les écolos, les socialistes et les grands manitous de la bifurcation écologique ont aussi voté cet amendement" qui "finance les énergies fossiles", a-t-il relevé.
Les échanges risquent d'être nourris encore à partir de la fin d'après-midi, sur le financement par l'Etat de la renationalisation à 100% d'EDF ou sur la poursuite du bouclier sur le prix du gaz.
Samedi, le gouvernement a acté un compromis avec les Républicains pour la poursuite de la remise carburant: la mesure à préciser par décret passera de 18 à 30 centimes d'euros en septembre et en octobre, puis à 10 centimes en novembre et décembre.
Comme ces derniers jours déjà, les députés ont la volonté d'aller au bout dans la nuit et d'adopter solennellement l'ensemble du projet budget rectifié, après le vote vendredi au petit matin du projet de loi d'"urgence" sur le pouvoir d'achat.
Les LR se prononceront majoritairement pour, a indiqué leur président Olivier Marleix, satisfait du "bras de fer positif avec le gouvernement" qui a permis d'engranger des mesures sur le carburant, le rachat des RTT par les entreprises, et encore la défiscalisation plus poussée des heures supplémentaires.
L'alliance de gauche Nupes devrait voter contre. "On ne peut pas soutenir ce paquet (sur le) pouvoir d’achat co-construit avec la droite" et dont "l’égalité et la justice sociale sont les grandes absentes", selon un porte-parole des députés PS, Arthur Delaporte.
Ce scrutin marquera la fin du premier round au Palais-Bourbon. Les ministres sont priés de "participer aux travaux" jusqu'au bout de la session parlementaire prévue à ce stade le 7 août, a recommandé la Première ministre Elisabeth Borne dans une circulaire au gouvernement.
H.Eggers--HHA