Près de Kharkiv, des Ukrainiens commencent une difficile reconstruction
Galyna Kios et sa famille ont survécu terrés dans un sous-sol sombre, cuisinant sur un poêle à bois de fortune, tandis que les troupes russes prenaient possession du village, dans le nord-est de l'Ukraine.
Mala Rogan, situé à une trentaine de kilomètres de la frontière russe, a été capturé deux semaines après le début de la guerre le 24 février.
"Vous devez partir parce que nous avons besoin de toute la rue", a expliqué un soldat russe à Mme Kios, se souvient-elle, avant que les militaires n'occupent sa maison.
L'occupation n'a toutefois été que de courte durée, les Russes se retirant de la zone après deux semaines de combats acharnés, qui ont suffi pour laisser la rue de Galyna Kios en ruines.
"J'ai vu ce qu'ils avaient fait à ma maison, ce qu'il en restait", témoigne cette femme de 67 ans, veuve et mère de quatre enfants, tout en philosophant: "Les biens matériels ne valent pas la vie".
"Je suis heureuse que, par la volonté de Dieu, je sois en vie. Tout ce qui est perdu est matériel, nous pouvons le reconstruire", ajoute-t-elle, se remémorant ce qu'elle a pensé ce jour-là.
Depuis lors, elle manie la pelle et le balai, déblaie et nettoie comme des milliers d'Ukrainiens retournant dans leurs maisons libérées mais en ruines.
- Carcasses de blindés -
Dans la région de Kharkiv, où est situé Mala Rogan, 90% des logements ont été détruits dans les zones libérées de l'occupation russe, selon les autorités locales.
Il y a un peu moins d'une dizaines de maisons dans la rue poussiéreuse de Galyna Kios, et chacune porte les traces de la bataille -- toits disparus, façades grêlées par des éclats d'obus ou des tirs d'armes à feu, morceaux de murs arrachés.
Deux maisons ont dans leur cour des véhicules blindés incendiés, avec sur l'un d'entre eux peint à la bombe "mort à l'ennemi" en ukrainien.
A proximité, un char T-72, la tourelle arrachée, gît sur la route, comme le cadavre d'une bête autrefois redoutable, avidement dépouillée et abandonnée aux éléments.
Six explosions d'intensité variable -- presque certainement des tirs d'obus à quelques kilomètres de là -- ont retenti pendant que Galyna Kios s'activait, vers midi.
Quelques maisons plus loin, Nadia Iltchenko raconte avoir amené sa fille et sa petite-fille de neuf ans à Mala Rogan au début de la guerre.
Elle estimait alors que c'était plus sûr de rester chez elles, à une courte distance en voiture de Kharkiv, mais elle s'est vite rendu compte qu'elle avait mal évalué la situation.
- Criblées de balles -
Au milieu de violents bombardements dans le village, cette femme de 69 ans a de nouveau renvoyé sa fille et sa petite-fille avant de fuir également avec son mari le 19 mars.
Pendant son exil, elle a vu sur une vidéo sa maison calcinée.
"Je suis revenue le 19 mai et je souffre toujours d'une hausse de tension. On a passé près de deux mois, mon mari et moi, à essayer de nettoyer", raconte Nadia Iltchenko.
Des bénévoles ont aidé à déblayer les débris, mais la façade de la propriété est toujours en désordre et il reste encore beaucoup de travail.
"Les Russes étaient dans notre maison et il y a tellement de choses qui ont été criblées de balles, qui ont brûlé, que nous ne pouvons plus utiliser...", dit-elle.
"La seule chose que j'aime maintenant, la seule chose qui me réchauffe, ce sont les fleurs dans le jardin -- bien qu'ils aient garé un char russe dessus", ajoute-t-elle.
Nadia Iltchenko décrit la réaction traumatisée de sa petite-fille lorsqu'elle a découvert une maison non seulement en désordre, mais utilisée par des intrus.
"Pourquoi ont-ils fait ça?", a-t-elle demandé, se souvient la grand-mère. "Je lui ai dit que je ne savais pas et ma petite-fille est devenue hystérique."
"C'était difficile de l'empêcher de pleurer", ajoute-t-elle.
P.Meier--HHA