En Irak, l'influent leader Moqtada Sadr appelle à élargir la contestation
L'influent leader chiite Moqtada Sadr a appelé dimanche à élargir la contestation en Irak et à soutenir les manifestants qui occupent le Parlement, n'offrant aucun signe de désescalade dans un pays plongé dans la crise.
Samedi, pour la deuxième fois en moins d'une semaine, des milliers de partisans de Moqtada Sadr ont envahi le siège du Parlement, dans la Zone verte ultrasécurisée de Bagdad, pour protester contre un candidat au poste de Premier ministre proposé par leurs adversaires.
Au second jour du sit-in, les manifestants occupant le Parlement semblent déterminés à y rester, après y avoir emmené matelas et couvertures. Dimanche, des volontaires ont distribué des repas chauds et balayé dans les jardins des monceaux d'ordures pour les charger dans des camionnettes, selon un correspondant de l'AFP sur place.
Depuis les législatives d'octobre 2021, l'Irak connaît une paralysie politique. Des mois de tractations interminables entre les grands partis n'ont toujours pas permis d'élire un nouveau Président de la République ou un nouveau chef du gouvernement.
Première force au Parlement issu des législatives, le courant de M. Sadr a finalement fait démissionner en juin ses 73 députés après avoir été incapable de rassembler la majorité nécessaire pour désigner un Premier ministre.
S'exprimant au deuxième jour du sit-in au Parlement, Moqtada Sadr, le trublion de la vie politique irakienne, a appelé sur Twitter à poursuivre la mobilisation.
Il a salué une "révolution spontanée et pacifique qui a libéré la Zone verte--une première étape", y voyant "une opportunité extraordinaire pour un changement fondamental du système politique".
- Instructions aux manifestants -
Au siège du Parlement, des haut-parleurs ont diffusé des chants religieux traditionnels à l'occasion de Mouharram, le mois lunaire qui débute dimanche et durant lequel les chiites marqueront l'Achoura, la commémoration du martyre de l'imam Hussein, petit-fils du prophète Mahomet et figure central du chiisme.
Les manifestants ont reçu des instructions du courant sadriste: ils peuvent installer des caravanes et sont appelés à préserver la propreté des lieux et à se relayer pour garantir la continuité du sit-in. Les femmes elles ont interdites d'y passer la nuit.
"Je participe au sit-in pour déraciner les corrompus", a lancé Dhorgham Abdallah, un travailleur journalier de 30 ans qui a fait cinq heures de route depuis Amarah (sud-est) pour rallier Bagdad.
Réclamant "un gouvernement sadriste", il veut aussi "une dissolution du Parlement", dans un pays où la classe dirigeante est accusée de corruption et d'incompétence.
Qu'importe si des responsables fidèles à Moqtada Sadr occupent également les plus hauts échelons dans les ministères, ses partisans le voient en figure d'opposition et héraut de la lutte contre la corruption.
"L'objectif du sit-in au Parlement c'est d'obtenir la formation d'un gouvernement (...) avec des personnalités intègres (...)", lance Oum Hussein, 42 ans, une manifestante.
Le Courant sadriste a lancé une intense campagne de pression contre ses adversaires, rejetant leur candidat au poste de chef du gouvernement, un ancien ministre de 52 ans, Mohamed Chia al-Soudani, choisi par le "Cadre de coordination".
Cette alliance de factions chiites pro-Iran englobe la formation de l'ex-Premier ministre Nouri al-Maliki -ennemi historique de M. Sadr- et les représentants du Hachd al-Chaabi, des rivaux du courant sadriste.
- "Pouvoir de la rue" -
Après le coup d'éclat des manifestants sadristes, les appels au dialogue se sont succédé en Irak.
Célèbre pour ses volte-face, M. Sadr maintient aujourd'hui la pression sur ses adversaires alors qu'il leur avait pourtant laissé la tâche de former un gouvernement après la démission de ses députés.
Initialement, le Courant sadriste avait pour ambition de nommer le Premier ministre et former un gouvernement "de majorité" notamment avec ses alliés kurdes et sunnites.
Désormais "le message que Sadr envoie à ceux qui sont impliqués dans la formation du gouvernement est qu'il a le pouvoir de la rue", résumait récemment à l'AFP Renad Mansour, du centre de réflexion Chatham House.
"Il espère utiliser ce pouvoir pour contrecarrer les tentatives de ses adversaires de former un gouvernement."
En réaction à l'assaut du Parlement, l'Union européenne a appelé les forces politiques "à résoudre les problèmes via un dialogue politique constructif".
H.Brunner--HHA