L'Opep+ ouvre à peine les vannes de pétrole, malgré la visite de Biden
Les pays de l'Opep+ ont décidé jeudi de ralentir le rythme des hausses de production, résistant aux appels du président américain Joe Biden à ouvrir davantage les vannes de pétrole pour tenter d'enrayer la flambée des cours.
L'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), emmenée par Ryad, et ses alliés conduits par Moscou, ont convenu d'une augmentation quasi dérisoire pour le mois de septembre: à savoir "100.000 barils par jour", à comparer aux quelque 432.000 puis 648.000 barils supplémentaires fixés les mois précédents, a annoncé l'alliance à l'issue d'une réunion ministérielle.
Edward Moya, analyste d'Oanda, a ironisé sur "la plus petite hausse de l'histoire de l'Opep+, qui n'aidera pas à surmonter la crise énergétique actuelle".
"L'administration Biden ne sera pas ravie", a-t-il dit à l'AFP, pronostiquant "un revers dans les relations américano-saoudiennes".
"Une misère" également selon Han Tan d'Exinity, notant que l'augmentation était si faible qu'elle a poussé les cours du brut en terrain positif pendant quelques heures.
Mais d'autres, comme Stephen Brennock, de PVM Energy, y ont vu "une mesure symbolique pour apaiser" Joe Biden.
La décision du groupe reflète "la nécessité de jongler entre des impératifs contraires", résume Matthew Holland, analyste géopolitique pour l'institut de recherche Energy Aspects: ne pas pomper trop pour "soutenir les prix" face aux inquiétudes macroéconomiques, mais aussi "prendre acte de l'inflation des prix de l'énergie et de l'appel des États-Unis à une production plus élevée".
- Un royaume très courtisé -
Les 23 membres de l'Opep+ s'étaient réunis par visioconférence pour faire le point, l'accord actuel arrivant à son terme: sur le papier, ils ont retrouvé les niveaux de production pré-pandémie.
Au printemps 2020, le cartel avait choisi de laisser sous terre des millions de barils de pétrole, pour ne pas inonder le marché avec un brut qu'il ne pouvait absorber pour cause d'effondrement de la demande.
Dans l'espoir d'influer sur la décision, Joe Biden s'était rendu pour la première fois en tant que président des Etats-Unis en Arabie saoudite mi-juillet, loin de ses propos sur un Etat "paria" après l'assassinat du journaliste dissident Jamal Khashoggi.
Son objectif: convaincre le royaume de pomper davantage pour freiner l'envolée des prix du carburant.
Par sa décision, l'Opep+ démontre qu'elle reste soudée et ménage la Russie, aux intérêts diamétralement opposés à ceux de Washington. Dans le communiqué, elle insiste sur "l'importance de maintenir le consensus essentiel à la cohésion de l'alliance".
La semaine dernière, le président français Emmanuel Macron était lui aussi à la manœuvre en recevant le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane.
A l'issue d'une rencontre dénoncée par les défenseurs des droits humains, les deux dirigeants avaient dit souhaiter "intensifier la coopération" pour "atténuer les effets en Europe, au Moyen-Orient et dans le monde" de la guerre en Ukraine.
- L'ombre de la récession -
Au-delà des enjeux géopolitiques, la récente baisse relative des prix du pétrole, sur fond de craintes de récession, a visiblement poussé l'Opep+ à ne pas prendre de risques.
Depuis leurs sommets de mars dernier à des niveaux plus vus depuis la crise financière de 2008, les deux références du brut ont perdu plus de 29%.
Le vice-Premier ministre russe chargé de l'Energie Alexandre Novak a ainsi justifié "cette décision prudente par les incertitudes pesant sur les marchés". Interrogé sur la chaîne de télévision Rossiya 24, il a évoqué "l'augmentation des cas de Covid-19" et "la perturbation des chaînes de transport et de logistique".
Autre élément, les faibles capacités de réserve des différents membres, à l'exception de l'Arabie saoudite et des Emirats arabes unis.
L'alliance a d'ailleurs souligné mercredi qu'elles étaient "extrêmement limitées" en raison d'un "sous-investissement chronique dans le secteur pétrolier", et qu'il fallait donc agir "avec circonspection, en réponse à de graves perturbations de l'offre".
L'Opep+ peine à respecter les quotas affichés, du fait de crises politiques à rallonge ou encore du manque d'investissements et d'entretien des infrastructures pendant la pandémie.
La production russe, sous le joug des sanctions occidentales en lien avec l'invasion de l'Ukraine, est également diminuée.
F.Carstens--HHA