A Bagdad, un nouveau sit-in vient durcir le bras de fer entre Sadr et ses rivaux
Illustrant le bras de fer qui déchire l'Irak, les partisans d'une influente coalition de factions chiites pro-Iran ont entamé vendredi un sit-in à Bagdad, où leurs adversaires du Courant sadriste campent déjà depuis près de deux semaines près du Parlement.
Depuis fin juillet les deux pôles du chiisme politique enchaînent joutes verbales et escalades, sans toutefois jamais laisser la situation basculer dans la violence.
D'un côté, l'influent leader chiite Moqtada Sadr veut dissoudre le Parlement et organiser des législatives anticipées. De l'autre, le Cadre de coordination, alliance des factions chiites pro-Iran, veut poser ses propres conditions à cet hypothétique scrutin et exige avant toute chose la formation d'un gouvernement.
Trublion de la vie politique, M. Sadr a démontré sa capacité à mobiliser: depuis bientôt deux semaines ses partisans campent autour du Parlement dans la Zone verte, quartier bouclé abritant institutions gouvernementales et ambassades.
Vendredi ses adversaires du Cadre de coordination ont répliqué avec un nouveau coup d'éclat: après avoir manifesté par milliers sur une avenue menant à la Zone verte, ils ont annoncé qu'ils ne partiraient plus.
Ils mènent un sit-in "jusqu'à nouvel ordre" pour, disent-ils, faire "accélérer la formation du gouvernement".
Un journaliste de l'AFP a vu des manifestants installer des structures en fer pour ériger les premières tentes.
"On manifeste pour protéger l'Etat et la constitution", martèle Abou Mehdi, un organisateur venu de Hilla, plus au sud. Il faut, poursuit le trentenaire, "laisser une chance au Cadre de coordination de former un gouvernement".
Le Cadre de coordination englobe notamment les anciens paramilitaires du Hachd al-Chaabi et l'ex-Premier ministre Nouri al-Maliki.
- "Nouveaux visages" au pouvoir -
La crise a débuté quand le Courant sadriste a refusé fin juillet le candidat du Cadre de coordination au poste de Premier ministre --dans un pays qui depuis les dernières législatives, il y a dix mois, n'a toujours pas remplacé son chef de gouvernement ni son président.
Si le Cadre de coordination s'est dit ouvert à une dissolution votée par les députés, M. Sadr, intransigeant, exige que la justice dissolve le Parlement sous une semaine.
Alors que les soutiens du Cadre de coordination manifestaient aux abords de la Zone verte, plusieurs milliers de partisans de Moqtada Sadr se sont rassemblés près du Parlement pour la prière du vendredi, a constaté une correspondante de l'AFP.
Sous plus de 40 degrés, les fidèles assis sur leur tapis de prière ont écouté le prêche sous des parasols. Certains tenaient calés contre leur torse des portraits de Moqtada Sadr.
Oum Hussein, femme au foyer quinquagénaire, se dit contre "le régime qui depuis 20 ans n'a rien fait pour le peuple, à part piller et voler l'argent public".
Il faut, martèle-t-elle, "de nouveaux visages" au pouvoir pour "servir le peuple" qui "vit dans la pauvreté, la maladie et la faim".
- "Junte politique corrompue" -
Des manifestations rivales se sont également tenues hors de la capitale.
Dans le Sud de l'Irak, les sadristes ont poussé le zèle jusqu'à organiser leurs rassemblements à la même heure que le camp opposé --17H00--, à Nassiriya, Kout et Amarah, selon des journalistes de l'AFP.
A Mossoul, métropole du Nord, des centaines de partisans du Cadre de coordination ont manifesté.
Qu'importe que des cadres du Courant sadriste occupent les plus hauts échelons de ministères et que son bloc ait été le premier au Parlement depuis les législatives d'octobre 2021, ses partisans le voient comme un éternel opposant, héraut de la lutte contre la corruption des élites.
Premier bloc mais sans majorité au Parlement pour choisir le futur Premier ministre, M. Sadr avait fait démissionner ses 73 députés en juin.
Maintenant que la tâche de former un gouvernement revient à ses concurrents, il réclame la dissolution de l'assemblée et appelle ses partisans à déposer en masse des recours devant la justice.
Vendredi, ses volontaires distribuaient des plaintes pré-remplies aux manifestants qui n'avaient plus qu'à inscrire leur nom et à signer.
Et si la justice rejette ces requêtes? "La révolution est un combat de longue haleine (...) nous allons poursuivre le sit-in et continuer à réclamer le renversement de cette junte politique corrompue", assure un des participants, Ahmed al-Ibrahimi, ingénieur de 32 ans.
J.Berger--HHA