Joao Lourenco, l'ex-militaire qui veut rester à la tête de l'Angola
Ancien militaire, Joao Lourenço a pris le pouvoir en Angola il y a cinq ans, succédant en douceur à l'ex-homme fort José Eduardo dos Santos qui l'avait désigné comme dauphin.
Aussitôt, il lui tournait le dos en lançant, à la surprise générale, une vigoureuse campagne anticorruption.
Le président sortant a de bonnes chances d'être réélu le 24 août lors d'un scrutin qui s'annonce tendu, bien qu'il ait peiné à tenir les promesses de son premier mandat, estiment nombre d'observateurs.
Lourenço dirige le MPLA, parti au pouvoir depuis l'indépendance en 1975. En 2017, il succède confortablement avec 61% des voix à Dos Santos, l'homme fort pendant 38 ans, accusé d'avoir largement détourné les ressources du pays riche en pétrole au profit de ses proches.
L'ex-général d'artillerie formé en URSS avait promis des réformes radicales mais la pauvreté reste criante, dans un climat d'inflation galopante.
"La popularité du MPLA est faible, surtout dans les villes", souligne Borges Nhamirre, de l'Institut d'études de sécurité (ISS) à Pretoria. Lourenço "avait promis plus de transparence, moins de corruption. Aujourd'hui, sa gouvernance est perçue comme autoritaire".
Joao Manuel Goncalves Lourenco, originaire de Lobito (ouest), a combattu dans sa jeunesse le Portugal. Après l'indépendance, il participe à l'interminable guerre civile (1975-2002) qui éclate entre le gouvernement du MPLA et les rebelles de l'Unita, aujourd'hui devenu le principal parti d'opposition.
Comme nombre de dirigeants en pleine ascension pendant la décolonisation, il est formé en Union soviétique. Il devient chef politique de la branche armée du MPLA pendant la guerre civile, un conflit de Guerre froide qui voit Cuba soutenir le MPLA alors que des milices soutenues par la CIA le combattent.
Devenu gouverneur de la province de Moxico (est) dans les années 1980, il gravit rapidement les échelons au sein du MPLA, dirigeant son groupe parlementaire avant de devenir vice-président du Parlement.
- Pauvreté, inflation, sécheresse -
C'est paradoxalement son ambition qui manque de mettre fin à sa carrière. Ne réussissant pas à cacher son désir de succéder à Dos Santos, au tournant des années 1990-2000, ce dernier le met sur la touche.
Après des années de purgatoire politique, il est sorti d'hibernation et nommé ministre de la Défense en 2014, avant d'être désigné comme successeur de Dos Santos.
Dès son élection de 2017, il se retourne rapidement contre son prédécesseur et lance une vaste opération "mains propres" pour récupérer les milliards détournés par le clan Dos Santos.
Héritant d'une économie dépendante du pétrole et en récession, il monte un ambitieux plan de réforme visant à varier les sources de revenus et à privatiser les entreprises publiques.
"Le problème c'est que la majorité de la population n'a pas bénéficié de ces réformes", estime Marisa Lourenço, analyste politique indépendante basée à Johannesburg. Une grande partie des 33 millions d'Angolais ont du mal à se nourrir, confrontés à l'inflation mais aussi à la pire sécheresse depuis 40 ans.
Beaucoup jugent désormais la campagne anticorruption comme sélective et politiquement motivée, alimentant les divisions au sein du parti au pouvoir.
La mort de Dos Santos en juillet a encore plombé le président Lourenço, déclenchant une querelle publique avec plusieurs de ses enfants.
Pourtant, le changement de cap par rapport à l'ancien régime a été salué à l'étranger où sa réputation reste plutôt solide.
M. Lourenco a récemment joué un rôle de médiateur dans des pourparlers entre Kinshasa et Kigali, dans un contexte d'escalade des tensions entre ces voisins.
Lors du lancement de sa campagne électorale le mois dernier, il a notamment promis de nouveaux hôpitaux et de meilleurs transports.
Il est marié à Ana Dias Lourenco, ancienne ministre qui a aussi représenté l'Angola à la Banque mondiale. Ils ont six enfants.
E.Bekendorp--HHA