La mort de la reine, un baptême du feu sans précédent pour Liz Truss
Pour la première fois de son histoire, le Royaume-Uni change de monarque et de Premier ministre dans la même semaine: un baptême du feu inégalé pour la nouvelle cheffe du gouvernement, Liz Truss, qui n'aura passé que 48 heures sous Elizabeth II.
Au fil des décennies, chaque Premier ministre britannique a eu le temps de se préparer à l'éventualité du décès de la reine. Mais c'est finalement à Liz Truss, officiellement nommée par la reine deux jours seulement avant son décès, qu'il revient de tenir la barre alors que s'ouvre une nouvelle ère.
Les dernières photos officielles d'Elizabeth II sont celles de sa rencontre mardi avec la nouvelle Première ministre conservatrice qui succède à Boris Johnson, au château écossais de Balmoral.
En prenant la tête du gouvernement, Liz Truss savait qu'elle ne bénéficierait d'aucun état de grâce: quelques heures avant la mort de la reine, jeudi, elle dévoilait devant le Parlement un plan d'aide massif face à l'envolée des coûts de l'énergie.
Ce débat a été interrompu lorsque la cheffe du gouvernement et ceux de l'opposition se sont discrètement fait remettre une note les informant que la santé de la reine s'était brutalement dégradée.
Truss a ensuite été informée du décès de la reine vers 16H30 locales (15H30 GMT), deux heures avant son annonce officielle.
La conservatrice fut la 15e Première ministre de la reine, dont les 70 ans de règne avaient débuté avec Winston Churchill à Downing Street.
Âgée seulement de 25 ans lorsqu'elle avait succédé à son père en 1952, la jeune Elizabeth II s'était de son propre aveu appuyée sur Churchill pour qu'il l'aide à s'acquitter de ses devoirs constitutionnels.
A la fin de son règne, c'était au tour des Premiers ministres de bénéficier de son expérience lors de leurs audiences hebdomadaires et très privées.
Des rencontres dont sera privée Truss, débutant sous un nouveau roi, Charles III, qui lorsqu'il était encore héritier de la couronne est souvent intervenu dans les affaires politiques, suscitant la controverse.
- "Le meilleur moment" -
Vendredi, au Parlement, l'ex-Premier ministre Boris Johnson a rendu un vibrant hommage à une souveraine "plus radieuse, bien informée et fascinée par la politique que jamais" lors de leur dernière rencontre, au moment de sa démission.
Theresa May, à qui Johnson a succédé, a elle aussi salué en Elizabeth une reine "immensément bien informée".
"Elle portait un jugement très précis sur les gens", a expliqué Mme May à la BBC vendredi. "Parfois, ce n'était pas juste l'individu mais une sorte d'histoire de cette personne, ou de ses expériences dans certains pays, sur certains sujets".
Si la reine se sentait très proche de Churchill, des documents déclassifiés montrent qu'elle était furieuse du refus de Margaret Thatcher d'imposer des sanctions contre l'Afrique du Sud sous l'apartheid.
Quand à sa relation avec Boris Johnson, elle fut par moments contrariée, la reine étant entraînée malgré elle dans une crise politique en septembre 2019, quand la Cour suprême avait jugé que la suspension du Parlement à l'approche du Brexit lui avait été soufflée "illégalement" par le turbulent dirigeant.
Mais en 1997, au moment du traumatisme de la mort de la princesse Diana, la monarchie a pu compter sur la vivacité d'esprit d'un Premier ministre.
Tony Blair, qui avait qualifié Diana de "princesse du peuple", avait aidé à canaliser l'humeur nationale alors que la reine faisait face à une intense pression populaire, et conseillé au palais de se défaire d'un carcan constitutionnel inadapté au choc ressenti par la population.
Tony Blair et son successeur travailliste Gordon Brown ont rendu hommage à la reine et à son sens du devoir, tout comme John Major, successeur de Thatcher.
"Elle était toujours extraordinairement bien briefée", a commenté Major, louant la "sagesse" de ses conseils. "Et ces réunions avec la reine étaient toujours le meilleur moment d'une semaine de Premier ministre".
J.Fuchs--HHA