Nouvel an morose en Éthiopie, entre reprise du conflit et inflation galopante
Reprise du conflit dans le nord, sécheresse historique et inflation persistante: les Éthiopiens n'avaient pas grand-chose à fêter dimanche, à l'occasion du passage à la nouvelle année.
Sur un marché aux bestiaux de la capitale Addis Abeba, les multiples crises auxquelles est confronté le deuxième pays le plus peuplé d'Afrique étaient dans toutes les bouches.
"Comme vous pouvez le voir maintenant, tout est cher. S'il y avait la paix, ce ne serait pas comme ça", expliquait samedi à l'AFP un commerçant, Endashew Denekew, à la veille des célébrations du nouvel an éthiopien, connu sous le nom d'Enkutatash. "Les gens sont restés à la maison et ne sont pas venus au marché pour vendre leur bétail".
Les combats ont repris le mois dernier entre l'armée du Premier ministre Abiy Ahmed et les rebelles du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), brisant une trêve de cinq mois qui avait laissé espérer une résolution pacifique de la guerre qui les oppose depuis bientôt deux ans.
Cette nouvelle escalade ainsi que le contexte économique actuel sont "très préoccupants", a souligné la Banque mondiale dans un rapport pessimiste sur l'Éthiopie publié le 8 septembre.
"Les multiples conflits combinés à une sécheresse historique et à d'autres chocs ont gravement touché des millions d'Éthiopiens, mettant en péril les progrès en matière de développement économique et social que le pays a réalisés ces dernières années", a ajouté l'institution.
Début septembre, le Bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations unies (Ocha) a qualifié de "désastreuse" la situation humanitaire en Éthiopie, où 20 millions de personnes ont besoin d'aide.
- Pas la foule habituelle -
Avec une population de 115 millions d'habitants, l'Éthiopie a connu l'une des croissances les plus rapides au monde au cours des 15 dernières années, selon la Banque mondiale, mais comme beaucoup, elle a été durement touchée par la pandémie de Covid-19 et les retombées de la guerre en Ukraine.
En juillet, l'inflation atteignait 33,5 %, selon les chiffres officiels, et de 35,5 % pour les denrées alimentaire, une hausse qui dissuade les gens de dépenser.
"Il n'y a pas les foules habituelles que l'on voit sur le marché à l'occasion des fêtes", a confirmé à l'AFP un fonctionnaire, Chombe Gebrehana, près du principal marché en plein air de la capitale.
"L'inflation a eu son impact. Si les gens avaient assez d'argent dans leurs mains (...), on ne verrait pas si peu d'affluence".
Dans une récente interview accordée à l'agence de presse publique Ethiopia News Agency, Mamo Mihretu, conseiller politique d'Abiy Ahmed, a assuré que le gouvernement faisait son possible pour atténuer l'impact de la flambée des prix.
"Nos efforts portent leurs fruits car l'inflation, si elle n'est pas complètement maîtrisée, est en train de se stabiliser", a déclaré M. Mihretu, qui dirige également le fonds souverain du pays.
- "Situation très difficile" -
Le gouvernement planche sur des réformes pour favoriser les investissements et le commerce, et prévoit une croissance économique de 6% cette année, a-t-il ajouté.
La reprise des hostilités dans le nord inquiète aussi la communauté internationale qui multiplie les efforts diplomatiques pour tenter de mettre fin aux violences.
"Que les parties au conflit aient le courage de choisir les pourparlers plutôt que les combats, et de participer à un processus dirigé par l'Union africaine qui produise une paix durable", a déclaré l'émissaire américain en visite dans la Corne de l'Afrique, Mike Hammer, dans un message de nouvel an adressé aux Éthiopiens.
En attendant, sur le marché aux bestiaux d'Addis, rares sont les clients qui ont les moyens de s'offrir de quoi cuisiner un repas de fête. Eux aussi déplorent la guerre en cours, à des centaines de km de chez eux.
"J'avais l'habitude d'acheter (un mouton) entre 4.000 et 5.000 birr (75 à 95 dollars au taux de change actuel). Mais aujourd'hui, c'est 15.000 birr (environ 285 dollars). Certains ont moins de revenus, ils ne peuvent plus se permettre cela (...), la situation actuelle est très difficile", assure l'AFP Assefa Alemu, un ouvrier métallurgiste.
"Je pense que si la paix revient dans le pays, les prix vont baisser".
A.Gonzalez--HHA