Budget 2023: protéger sans creuser le déficit, la voie étroite du gouvernement
Protéger contre l'inflation et contenir le déficit public: la voie est étroite pour le projet de budget 2023 que présentera lundi le gouvernement, privé de majorité absolue à l'Assemblée nationale.
A moins de trouver suffisamment d'alliés sur les bancs de l'opposition, ce qui paraît improbable, l'exécutif devra se résoudre à un passage en force, sans vote, en ayant recours à l'article 49-3 de la Constitution.
Conscient du risque, il a multiplié les gestes de bonne volonté à l'égard des parlementaires de l'opposition, affichant un désir de concertation, notamment à travers les "dialogues de Bercy". Ceux-ci ont précédé la finalisation du projet de loi de finances qui sera présenté lundi en conseil des ministres, une première.
Après trois années de dépenses exceptionnelles liées à la crise sanitaire qui ont creusé la dette, l'élan de la reprise, déjà ralenti depuis l'automne dernier par des problèmes d'approvisionnement, a été brisé par la crise énergétique provoquée par la guerre en Ukraine, et une inflation qui a atteint des niveaux inédits en plus de 35 ans.
Si le gouvernement ne réactive pas pour autant le "quoi qu'il en coûte", il veut continuer à protéger particuliers et entreprises contre l'envolée des prix de l'énergie.
A lui seul, le "bouclier tarifaire" pour limiter à 15% la hausse des tarifs du gaz et de l'électricité coûtera 16 milliards d'euros aux finances publiques, une fois déduite la mise à contribution des producteurs d'énergies renouvelables, devenus très rentables à la faveur de la flambée des prix du kilowattheure.
"On va avoir du mal à se déshabituer de toutes ces mesures de soutien par rapport aux prix du gaz, de l'électricité, du carburant", a déclaré à l'AFP François Ecalle. Ancien rapporteur sur la situation des finances publiques et auteur du blog Fipeco, il plaide pour des mesures de soutien réservées aux ménages en difficulté, comme le chèque énergie, afin de ne pas encourager la consommation d'énergie fossiles.
- Charge de la dette -
Malgré des perspectives économiques assombries, avec une croissance qui ne dépasserait pas 1% en 2023 et des risques de récession pointés par la Banque de France et de nombreux économistes, le gouvernement entend contenir à 5% du produit intérieur brut (PIB) le déficit public, avant de le ramener sous les 3% des critères européens à l'horizon 2027.
Pour le ministre de l'Economie Bruno Le Maire, "c'est la condition de la crédibilité de la trajectoire de nos finances publiques pour l'ensemble du quinquennat".
L'an prochain, les crédits budgétaires devraient augmenter de 21,7 milliards à 346,5 milliards d'euros, selon un document issu des dialogues de Bercy, obtenu par l'AFP de source parlementaire.
La mission Travail et emploi verrait ses dépenses s'accroître de 6,7 milliards d'euros, en raison notamment des efforts liés au soutien à l'apprentissage, tandis que le poste Ecologie, développement et mobilité durables s'afficherait en hausse de 6,6 milliards.
Mais la dépense qui devrait augmenter le plus est la charge de la dette, en hausse de 17 milliards d'euros par rapport à 2021 à 57,6 milliards, juste derrière l'enseignement scolaire avec 60,2 milliards, selon les plafonds de dépenses envisagés par le ministère des Finances en août. Le sujet est au coeur des préoccupations alors que le taux d'intérêt de l'emprunt français à 10 ans a atteint mardi un niveau record depuis janvier 2014, à plus de 2,5%.
- Taxer les super profits -
Pour faire des économies, le gouvernement a décidé d'étaler sur deux ans la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), un impôt de production dont le patronat escomptait la disparition dès 2023. Cet étalement lui permet d'économiser 4 milliards d'euros l'an prochain.
Certaines communes craignent néanmoins de ne pas recevoir de compensation suffisante pour cette perte de ressource fiscale. Et plus généralement, les collectivités locales demandent un soutien financier pour faire face à l'envolée des prix de l'énergie ou à la revalorisation du salaire des agents publics.
Pour les partis d'opposition, une ressource supplémentaire doit être trouvée en taxant les "superprofits" des entreprises, au-delà du seul secteur de l'énergie, pour lequel une mesure est à l'étude au niveau européen.
A la Nupes, "on pense que ce n'est pas constitutionnel d'aller toucher un seul secteur", explique le président LFI de la commission des finances de l'Assemblée, Eric Coquerel. L'alliance de gauche travaille donc sur des "seuils de chiffre d'affaires" qui ne permettraient pas aux multinationales comme Total d'échapper à l'impôt en ne déclarant pas de bénéfices en France.
R.Weber--HHA