Guerre en Ukraine: dialogue de sourds au Conseil de sécurité
Le face-à-face tant attendu a débouché sur un dialogue de sourds: les chefs de la diplomatie américaine et russe se sont accusés mutuellement jeudi au Conseil de sécurité de l'ONU d'impunité en Ukraine sans réellement s'écouter.
Intervenant le premier, le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken a appelé la communauté internationale à contraindre le président russe Vladimir Poutine à rendre des comptes pour son invasion de l'Ukraine.
"On ne peut pas laisser le président Poutine s'en tirer comme ça", a-t-il déclaré, lors de cette réunion convoquée par la présidence française du Conseil de sécurité et qui avait pour thème la situation en Ukraine et l'"impunité" des crimes commis depuis l'invasion du pays par la Russie en février.
Son homologue russe Sergueï Lavrov, présent dans la salle du Conseil où il a également prononcé un discours, ne s'est cependant pas installé à la même table que les autres ministres pour écouter leurs discours, se faisant remplacer par un adjoint. "Il ne souhaite pas entendre", a lancé le Britannique James Cleverly.
- "Mépris" -
"Cet ordre international qui nous réunit ici aujourd'hui et qu'on s'efforce de sauvegarder est mis en pièces devant nos yeux", a encore affirmé M. Blinken en dénonçant la récente escalade dont la tenue de référendums d'annexion dans les territoires ukrainiens sous contrôle russe.
"Que le président Poutine ait choisi cette semaine, alors que la plupart des dirigeants de ce monde se réunissent à l'ONU, pour mettre de l'huile sur le feu qu'il a allumé démontre son mépris total pour la Charte des Nations unies", a-t-il dit.
M. Blinken, qui a refusé toute rencontre avec son homologue russe depuis l'invasion, a jugé essentiel qu'"aucun pays ne puisse redessiner les frontières d'un autre pays par la force".
De son côté, le ministre russe des Affaires étrangères a rejeté les accusations occidentales et dénoncé "l'impunité" de Kiev.
"Il y a une tentative aujourd'hui de nous imposer une narration complètement différente parlant d'une agression russe comme étant à l'origine de cette tragédie", a-t-il plaidé, accusant l'Ukraine de "russophobie" et d'être un "Etat totalitaire nazi".
"Kiev doit son impunité à ses partenaires occidentaux", a encore affirmé M. Lavrov faisant face à ses homologues dont l'Ukrainien Dmytro Kouleba.
"Les Etats-Unis et leurs alliés avec la connivence d'organisations internationales des droits de l'Homme ont couvert les crimes commis par le régime de Kiev", a accusé M. Lavrov en écho à ses pairs qui ont eux évoqué les abus de l'armée russe en Ukraine et condamné l'invasion.
M. Lavrov a également rejeté d'avance le travail de la Cour pénale internationale dans laquelle la Russie "n'a aucune confiance". Il était entré discrètement dans la salle du Conseil avant la réunion évitant soigneusement la cohorte de journalistes qui l'attendaient.
- "Catalogue de cruautés" -
Pour sa part, le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a appelé à enquêter sur le "catalogue de cruautés" qui ont lieu en Ukraine.
Les rapports des services humanitaires de l'ONU "sont un catalogue de cruautés: exécutions sommaires, violence sexuelle, torture et autres traitements inhumains et dégradants contre les civils et les prisonniers de guerre", a déclaré M. Guterres à l'ouverture de cette réunion.
"Toutes ces accusations doivent faire l'objet d'enquêtes, pour garantir la responsabilité", a-t-il ajouté.
"Il n'y a pas de paix sans justice", a assuré de son côté la ministre française des Affaires étrangères Catherine Colonna, notant que les responsables devaient "répondre" de leurs crimes.
Dmytro Kouleba, interrogé peu avant la réunion sur le fait d'être dans la même pièce que Sergueï Lavrov, a ironisé en disant qu'il respecterait "une certaine distanciation sociale".
"Le meilleur moyen de prévenir d'autres atrocités par les Russes est d'envoyer à l'Ukraine plus d'armes", a-t-il plaidé, en réitérant l'appel du président ukrainien Volodymyr Zelensky visant à créer un tribunal spécial pour juger M. Poutine.
Egalement présent à cette réunion, le procureur de la Cour pénale internationale, Karim Khan, qui a ouvert une enquête en Ukraine sur les crimes de guerre et crimes contre l'humanité présumés quelques jours seulement après l'invasion russe du 24 février.
"De mon point de vue, les échos de Nuremberg devraient être entendus aujourd'hui", a-t-il dit, en référence à la ville allemande où s'étaient tenus les procès contre les nazis pour crimes contre l'humanité.
I.Hernandez--HHA