Génocide au Rwanda: Félicien Kabuga jugé à La Haye
Félicien Kabuga, "financier" présumé du génocide des Tutsi en 1994 au Rwanda, sera jugé à partir de jeudi pour génocide et crimes contre l'humanité devant un tribunal des Nations unies à La Haye.
Arrêté le 16 mai 2020 dans la banlieue de Paris après 25 ans de cavale, il est notamment accusé d'avoir participé à la création des milices hutu Interahamwe, principaux bras armés du génocide qui a fait plus de 800.000 morts selon l'ONU, essentiellement au sein de la minorité tutsi.
Son procès est très attendu au Rwanda, où M. Kabuga était un des hommes les plus riches en 1994. Il était alors président de la tristement célèbre Radio télévision libre des Mille collines (RTLM), qui a diffusé des appels au meurtre des Tutsi.
M. Kabuga est également soupçonné d'avoir contribué en 1993 à l'achat massif de machettes qui seront distribuées aux miliciens en avril 1994.
Il est accusé notamment de génocide, incitation directe et publique à commettre le génocide et des crimes contre l'humanité, dont persécution et extermination.
Il a plaidé non coupable lors d'une première comparution en 2020.
Le procès s'ouvrira à 10H00 (08H00 GMT) avec les déclarations liminaires et seront suivies par la présentation des moyens de preuve à partir du 5 octobre, devant le Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux (le "Mécanisme"), chargé d'achever les travaux du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR).
- Accusé affaibli -
Lors d'une audience préliminaire en août, M. Kabuga était arrivé en chaise roulante et apparu affaibli.
Ses avocats avaient tenté de le faire échapper à un procès au vu de son état de santé. Sa présence au tribunal jeudi est incertaine, car les juges lui permettent d'assister aux audiences via une liaison vidéo.
Mais la chambre de première instance de la juridiction onusienne avait estimé à la mi-juin que l'état de Félicien Kabuga, âgé de 87 ans selon elle, n'était pas incompatible avec le procès.
La principale organisation de rescapés, Ibuka, accuse les avocats de M. Kabuga de vouloir retarder tout procès, vu l'âge de l'accusé.
S'il meurt avant de comparaitre en justice, il aura disparu sous le régime de la présomption d'innocence, et cela serait dévastateur pour la justice, a prévenu en août son président, Egide Nkuranga, dans un entretien à l'AFP.
L'accusé a besoin d'une prise en charge et une surveillance médicale permanente et intensive, et réside actuellement pour cela dans un hôpital pénitentiaire, selon le Mécanisme.
Différents experts ont participé à l'établissement du dossier pour le tribunal, qui démontre sans équivoque que Kabuga est dans un état vulnérable et fragile, a relevé le tribunal.
Mais il est dans l'intérêt de la justice d'ouvrir ce procès dans les meilleurs délais, ce qui signifie le faire à La Haye, souligne le Mécanisme. Le tribunal a une autre branche à Arusha, en Tanzanie, mais qui ne dispose pas de l'équipement médical nécessaire à l'accusé.
Kabuga est l'un des derniers des suspects les plus recherchés pour le génocide rwandais à être traduit en justice.
D'autres, comme Augustin Bizimana, l'un des principaux architectes du massacre, et Protais Mpiranya, ancien commandant du bataillon de la Garde présidentielle des forces armées rwandaises, sont morts et n'ont jamais affronté la justice internationale.
F.Wilson--HHA