Cession de M6: le calendrier est "très tendu", prévient le gendarme français de la concurrence
Le calendrier permettant la cession de M6 par son actionnaire Bertelsmann est "très tendu", a prévenu mardi le président de l'Autorité française de la concurrence Benoît Cœuré lors d'une audition au Sénat, alors qu'au moins trois offres de reprise sont actuellement à l'étude.
Le groupe Bertelsmann cherche un nouvel acquéreur pour sa participation dans le groupe de télévision et de radio après l'échec de la fusion imaginée avec TF1 (groupe Bouygues), et finalement abandonnée par les parties face aux réticences de l'institution qui s'était chargée d'examiner l'opération.
Désormais, le temps presse car l'autorisation de diffusion de la chaîne principale M6 sur la TNT doit être renouvelée en mai 2023 par l'Arcom, régulateur de l'audiovisuel, empêchant ensuite selon la loi tout changement de contrôle de la fréquence pendant cinq ans.
"Il y a une sorte de rétroplanning" aux mains de l'Arcom, a déclaré M. Cœuré en rappelant qu'un examen sur les questions de concurrence doit aussi avoir lieu. "Si l'opération ne nous est pas notifiée avant la fin octobre, ça va être difficile, et c'est dans tous les cas très tendu", a-t-il ajouté.
Selon lui, "compte tenu de la taille des acquéreurs potentiels tels qu'ils ont été mentionnés dans la presse, la logique voudrait que cette opération soit examinée par la Commission européenne", gardienne de la concurrence dans l'UE.
Celle-ci pourra décider de renvoyer le dossier vers l'autorité française, mais ce mécanisme "est lui-même générateur de délais supplémentaires", a-t-il relevé.
Au moins trois propositions de reprise du groupe M6 ont été déposées et font aujourd'hui l'objet d'un examen par Bertelsmann, a pu confirmer l'AFP samedi.
Celles-ci proviennent d'un tandem formé par Xavier Niel (groupe Iliad) et MediaForEurope (ex-Mediaset, le groupe de télévision fondé par Silvio Berlusconi), par le milliardaire tchèque Daniel Kretinsky, déjà présent dans plusieurs médias français, et par FL Entertainment (Banijay, Betclic) contrôlé par le Français Stéphane Courbit, associé notamment pour l'occasion à Rodolphe Saadé, le patron du géant du transport maritime CMA-CGM.
Si tous ces acteurs ne possèdent pas de chaînes, il existe de "possibles effets congloméraux dans des secteurs" autres que la télévision, a noté Benoît Cœuré.
Interrogé par les sénateurs membres de la commission de la Culture sur les conséquences de l'échec de la fusion TF1-M6 pour l'audiovisuel français face aux géants du streaming, l'économiste a expliqué que l'institution qu'il préside ne s'était pas basée sur "le scénario du pire" (une éviction des chaînes du marché de la publicité au bénéfice des plateformes) mais sur le plus "probable".
"Je ne pense pas que l’opération en elle-même changeait fondamentalement la donne", a-t-il expliqué.
Certes, la fusion aurait permis aux chaînes de "dégager des ressources, mais d'une part une partie de ces ressources aurait été gagnée aux dépens de leurs distributeurs et de leurs annonceurs, et d’autre part ces ressources ne sont pas du même ordre de grandeur que celles dont disposent Netflix, Disney ou Amazon sur les mêmes marchés", a-t-il détaillé.
"Je n'ai aucun doute que les deux chaînes se réinventeront pour s'adapter aux défis technologiques", a-t-il dit.
I.Hernandez--HHA