En Iran, la police veut user de "toute sa force" contre les manifestants
La police en Iran a averti mercredi qu'elle agirait avec "toute sa force" face aux manifestations déclenchées par la mort d'une jeune femme en détention, une nouvelle démonstration de la fermeté du pouvoir malgré la mort de dizaines de personnes dans la répression.
De nouvelles manifestations ont eu lieu mardi soir contre la mort le 16 septembre à l'hôpital de Mahsa Amini, une Iranienne de 22 ans arrêtée trois jours auparavant par la police des moeurs à Téhéran pour non respect du code vestimentaire strict pour les femmes en République islamique d'Iran.
"Les personnels de police s'opposeront de toute leur force aux conspirations des contre-révolutionnaires et des éléments hostiles et agiront fermement contre ceux qui perturbent l'ordre public et la sécurité partout dans le pays", a-t-il poursuivi, cité par l'agence de presse Fars.
Malgré les appels internationaux à cesser le recours à la force contre les manifestations qui se poursuivent depuis 12 jours, le pouvoir est resté ferme.
Ces derniers jours, le président Ebrahim Raïssi a appelé les forces de l'ordre à agir "fermement" contre les "émeutiers" et le chef du pouvoir judiciaire, Gholamhossein Mohseni Ejei, a exclu toute "indulgence" envers eux.
Les autorités nient toute implication dans le décès de la jeune femme, mais la famille affirme le contraire.
Selon Erfan Salih Mortezaee, un cousin de Mahsa Amini, rencontré au Kurdistan d'Irak, la jeune femme est décédée après "un violent coup à la tête" donné par la police des moeurs le jour de son arrestation le 13 septembre.
Les policiers l'ont "frappée" avant de l'emmener dans un van où "les coups se sont poursuivis", d'après le récit de la mère de la jeune femme rapporté par M. Mortezaee. Elle a ensuite été transportée à l'hôpital, où elle est décédée après trois jours dans le coma.
- "Rôle d'organisateur" -
Selon des médias d'opposition basés à l'étranger, comme tous les soirs depuis le 16 septembre, des manifestations se sont déroulées mardi soir dans différentes villes. Mais des militants ont affirmé que les perturbations des connexions Internet rendaient de plus en plus difficile la transmission des images.
Mercredi, le ministre des Télécommunications Issa Zarépour a déclaré que des "restrictions ont été appliquées à certaines plateformes, notamment américaines" qui "ont joué un rôle d'organisateur des émeutes". "La levée des restrictions sur Internet dépend d'une décision des autorités."
Selon un dernier bilan donné mardi par l'agence de presse iranienne Fars, "environ 60 personnes ont été tuées" depuis le 16 septembre. La police a fait état de 10 policiers morts mais il n'était pas clair si ceux-ci figuraient parmi les 60 morts.
L'ONG Iran Human Rights (IHR), basée à Oslo, a elle parlé lundi d'"au moins 76 morts".
En outre les autorités ont fait état de l'arrestation de plus de 1.200 manifestants depuis le 16 septembre.
Des militants, des avocats et des journalistes ont également été arrêtés, d'après des ONG. Mardi, Faezeh Hachemi, la fille de l'ex-président Akbar Hachemi Rafsandjani, a été arrêtée à Téhéran pour "avoir incité des émeutiers à manifester".
- "Complots" -
Les femmes sont à l'avant-garde des protestations en Iran. Elles sont soutenues par plusieurs manifestations à l'étranger.
Depuis le 16 septembre, les protestataires ont crié des slogans contre le pouvoir, déchiré des photos du guide suprême Ali Khamenei et de l'imam Khomeiny, fondateur de la République islamique, ou encore lancé des pierres contre les forces de sécurité, incendié des voitures de police et mis le feu à des bâtiments publics, selon des vidéos.
Les autorités dénoncent des "complots étrangers", pointant du doigt les Etats-Unis, leur ennemi juré.
D'après des défenseurs des droits humains, la police a tiré des plombs et à balles réelles sur les protestataires.
Comme l'ont déjà plusieurs pays européens, l'Espagne a convoqué mercredi l'ambassadeur d'Iran afin de protester contre la répression des manifestations.
Les protestations en Iran sont les plus importantes depuis celles de novembre 2019, provoquées par la hausse des prix de l'essence, qui avaient été sévèrement réprimées --230 morts selon un bilan officiel, plus de 300 selon Amnesty International.
F.Schneider--HHA