Camaïeu placé en liquidation judiciaire, 2.600 emplois supprimés
Fin de partie pour Camaïeu et ses 2.600 salariés: deux ans après sa reprise, moins de deux mois après son placement en redressement judiciaire, l'enseigne de prêt-à porter nordiste a été mise mercredi en liquidation, une issue qu'a regrettée le gouvernement, mettant en cause l'actionnaire.
"Le tribunal convertit le redressement en liquidation judiciaire", a affirmé son président à l'issue d'une audience d'environ trois heures et d'un délibéré express, précisant que l'activité serait maintenue "jusqu'à samedi 23H00". Ensuite, les 511 magasins seront fermés et les 2.600 emplois supprimés.
"C'est une grande déception", a réagi auprès de l'AFP le ministre délégué à l'Industrie Roland Lescure. "Le plan de reprise était très peu instruit, avec un plan d'affaires qui tient sur une page. Je ne suis pas capable d'engager plus de 70 millions d'efforts de l’État. Je regrette qu'on en soit arrivé-là."
La direction de Hermione People and Brands (HPB), actionnaire de Camaïeu et filiale de La Financière immobilière bordelaise (FIB), n'a pas réagi dans l'immédiat.
L'annonce a déclenché des larmes parmi les salariés présents dans la salle, dont certains s'en sont pris verbalement à l'homme d'affaires Michel Ohayon, propriétaire de la FIB. "On s’est battu pour cette entreprise", s'est-il défendu, s'affirmant "aussi atterré" qu'eux.
- "Pas réaliste" -
"Nous travaillons avec beaucoup de prestataires, donc on dépasse les 5.000 salariés", a réagi Chérif Lebgaa, délégué FO, qui évoque "un drame" pour toutes ces familles.
Le plan présenté au tribunal par l'actionnaire HPB aurait permis de limiter la casse, avec 500 emplois supprimés.
HPB s'était dit prêt dans la matinée, tout comme la région Hauts-de-France, à injecter plus d'argent pour éviter la liquidation, mais à condition que l'État apporte lui aussi son soutien financier pour sauver l'enseigne, chahutée par la crise sanitaire et une coûteuse cyberattaque.
Il avait indiqué lundi avoir demandé une avance de 48 millions d'euros à l’État, mais Bercy avait jugé que cette demande n'était pas "réaliste", l'État ne pouvant "en aucun cas se substituer aux actionnaires".
Un total de 79,2 millions d'euros était nécessaire, selon HPB, sur les huit prochains mois pour assurer entre autres les achats de la saison automne-hiver et préparer la collection de printemps de l'entreprise, fondée en 1984 et placée en redressement judiciaire le 1er août.
- "Signe de résignation inquiétant" -
Le plan prévoyait une mise de fonds de 14 millions d'euros de la FIB pour racheter le siège et l'entrepôt de Camaïeu à Roubaix, qui auraient ensuite été "valorisés" et revendus pour un montant estimé entre 55 et 60 millions.
HPB "est le seul" à pouvoir sauver l’enseigne, après le retrait de divers candidats à la reprise, dont le fonds américain Gordon Brothers, avait plaidé lundi M. Hubner auprès de l'AFP.
Selon Thierry Siwik de la CGT, "deux éventuels investisseurs" avaient manifesté un intérêt à un autre projet bâti par son syndicat, qui avait demandé, sans succès, "un délai supplémentaire au tribunal" pour explorer cette piste.
"Tristesse et colère: 2600 salariés et leur famille sont sur le carreau", a déploré dans un tweet David Guiraud, député Nupes de la 8e circonscription du Nord, où le siège de Camaïeu emploie quelque 500 personnes.
"La liquidation judiciaire serait un scandale et un signe de résignation inquiétant", avait tweeté avant l'annonce du tribunal le maire divers-droite de Roubaix Guillaume Delbar. "Le destin de 2.600 familles est en jeu", avait-t-il souligné.
Selon HPB, l'enseigne a basculé après un arrêt de la Cour de cassation imposant fin juin aux commerçants de régler les loyers impayés lors de la période Covid. Leur montant s'élève à 70 millions d'euros sur un total de 240 millions de dettes, a indiqué M. Hubner.
En reprenant 511 des 634 magasins de la marque en France et quelque 2.600 salariés sur plus de 3.100, HPB s'était donné en 2020 deux ans pour remettre à l'équilibre l'enseigne, fondée en 1984.
I.Hernandez--HHA