Après sa volte-face, le gouvernement Truss défend sa stratégie économique
Après une spectaculaire volte-face sur une baisse d'impôts pour les plus riches, le ministre britannique des Finances Kwasi Kwarteng a reconnu lundi des "turbulences" mais s'est efforcé de convaincre de la pertinence du projet économique du gouvernement de Liz Truss.
"Quelle journée!", a lâché le Chancelier de l’Échiquier Kwasi Kwarteng en arrivant à la tribune du congrès annuel du parti conservateur à Birmingham (centre de l'Angleterre), "ça a été dur".
Dix jours après l'annonce de la suppression de la tranche d'imposition à 45% pour les contribuables les plus aisés, le ministre britannique des Finances a annoncé tôt lundi matin qu'il renonçait à cette mesure qui faisait peser sur le gouvernement la menace d'une rébellion dans ses rangs lors du vote du texte au Parlement.
Liz Truss, qui a succédé il y a moins d'un mois à Boris Johnson à la tête du gouvernement, avait pourtant formellement exclu ce recul 24 heures plus tôt.
"Je sais que le plan que nous avons présenté (...) a créé quelques turbulences", a lancé M. Kwarteng, mais sans évoquer précisément la mesure abandonnée, suscitant des rires dans la salle. "Je comprends", "nous écoutons et nous avons écouté", a-t-il insisté, espérant tourner une page calamiteuse pour le tout nouveau gouvernement.
"Je veux à présent me concentrer sur les pans majeurs de notre plan pour la croissance", a-t-il assuré, dans une volonté affichée de sauver le paquet de mesures qu'il avait présenté le 23 septembre en expurgeant sa mesure la plus controversée.
Défendu par la Première ministre Liz Truss, qui a néanmoins reconnu que le gouvernement aurait dû "mieux préparer le terrain", ce plan avait entraîné la chute de la livre à son plus bas historique -- elle remontait cependant lundi -- et troublé les marchés financiers.
La Banque d'Angleterre avait ainsi dû intervenir en urgence la semaine dernière pour stabiliser les taux, qui avaient bondi à leur plus haut depuis la crise de 2009, menaçant la stabilité financière du pays. Ces taux restaient lundi toujours plus élevés qu'avant l'annonce du 23 septembre.
- plan axé sur la croissance -
Invoquant factures d'énergie qui explosent sous l'effet de l'invasion russe de l'Ukraine, pression fiscale au plus haut "depuis 70 ans", le ministre britannique des Finances a insisté sur le projet gouvernemental de se concentrer "sans relâche" sur la croissance économique.
"Nous montrerons que ce plan est sain, crédible et augmentera la croissance", a-t-il martelé, mettant aussi en avant la "responsabilité budgétaire", ADN selon lui des conservateurs.
Pour Sarah Smith, élue locale de 47 ans du sud de l'Angleterre, interrogée sur place par l'AFP, le revirement de l'exécutif témoigne ainsi d'un "certain pragmatisme". Elle juge qu'il aurait été "plus dommageable" que le gouvernement persiste.
Membre du parti conservateur âgé de 24 ans, Nick Warren estime quant à lui que "le mal est fait". "C'est bien qu'elle (Liz Truss) ait écouté le pays et ce que veulent les gens", mais cette mesure n'était "pas la bonne".
- "pas le choix" -
Sur la BBC lundi matin, Kwasi Kwarteng a exclu de démissionner et refusé de reconnaître une erreur. Cette baisse d'impôts pour les plus riches "était une énorme distraction" qui éclipsait "un ensemble solide de mesures", a-t-il répété.
Sur la BBC dimanche, Liz Truss avait attribué à son seul ministre des Finances la paternité de cette mesure, suscitant des réactions étonnées.
"L'un des défauts de Boris Johnson était qu'il pouvait parfois être trop loyal et il l'a compris", avait tweeté l'ex-ministre de la Culture Nadine Dorries, d'une fidélité inébranlable envers l'ancien Premier ministre. "Cependant, il y a un équilibre à trouver et jeter son chancelier sous un bus le premier jour du congrès n'en est pas un", avait-elle observé dimanche.
Visant à faire face à la crise du coût de la vie, ce "mini-budget" qui prévoit gel des factures d'énergie et baisses d'impôts massives, s'imposait, selon Kwasi Kwarteng: "Nous n'avions pas le choix, ne rien faire n'était pas une option".
Mais à deux ans des prochaines élections générales, Liz Truss voit s'accumuler les sondages désastreux: une récente étude YouGov donne 33 points d'avance à l'opposition travailliste et selon une autre, un Britannique sur deux (51%) souhaite qu'elle démissionne. Elle doit s'exprimer mercredi en clôture du congrès.
J.Fuchs--HHA