Carburants: le gouvernement réquisitionne des salariés grévistes pour débloquer des stocks
Face à des grévistes déterminés à poursuivre leur mouvement pour les salaires dans le secteur pétrolier, le gouvernement a lancé mercredi une première réquisition de salariés grévistes pour débloquer le dépôt de carburant de la raffinerie normande d'Esso-ExxonMobil afin d'alimenter un réseau de stations-service de plus en plus à sec.
Une cellule interministérielle de crise devait se réunir vers 11H15 au ministère de l'Intérieur, a indiqué le ministère de la Transition énergétique, qui a annoncé plus tôt la réquisition des personnels indispensables au fonctionnement du dépôt ExxonMobil de Port-Jérome en Seine-Maritime.
La réquisition ne concerne pas les opérations de la raffinerie et donc la production de carburant.
Les quelques grévistes indispensables au déblocage du carburant des cuves devraient donc se voir contraints de venir travailler pour rouvrir les vannes afin que des camions puissent se charger, sous peine de sanctions pénales.
Malgré cette menace brandie pour la première fois mardi soir par la Première ministre, les grévistes des groupes pétroliers ont décidé tôt mercredi matin de poursuivre leur mouvement pour de meilleurs salaires, prolongeant les pénuries de carburants qui affectent la France entière: mardi à 18H00, 31,3% des stations-service manquaient d'un ou plusieurs carburants, et la proportion était pire dans dans les Hauts-de-France (44,8%) et en Ile-de-France (44%).
Six des sept raffineries de France sont en grève mercredi: les quatre de TotalEnergies et les deux d'Esso-ExxonMobil; seule celle de Lavéra (groupe Petroineos) n'est pas bloquée.
"On remercie Madame Borne pour son refus de la médiation entre syndicat et direction, il aurait été plus simple de réquisitionner notre PDG pour un retour à la table des négociations", a répondu de Gravenchon, ironique, Germinal Lancelin, secrétaire général CGT d’ExxonMobil.
La grève se poursuit aussi à la raffinerie Esso de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône), a constaté l'AFP, mais aucune réquisition n'a été reçue. Aucun carburant n'est sorti d'ici depuis le 21 septembre.
Chez TotalEnergies, la grève dure depuis deux semaines et prend de l'ampleur. Dans l'ensemble des sites en mouvement, le mouvement a été reconduit mercredi avec "quasiment 100% de grévistes parmi les opérateurs", a indiqué tôt mercredi à l'AFP Eric Sellini, coordinateur CGT pour le groupe. Soit la raffinerie de Normandie, près du Havre, le dépôt de carburant de Flandres, près de Dunkerque, la "bio-raffinerie" de La Mède (Bouches-du-Rhône), la raffinerie de Feyzin, et depuis mardi, la raffinerie de Donges (Loire-Atlantique).
Les grévistes prennent ainsi le risque d'un épilogue brutal avec réquisition de certains d'entre eux pour faire redémarrer les usines, comme le précédent mémorable de 2010 sous la présidence de Nicolas Sarkozy quand la police avait du intervenir.
Pour les dépôts, le redémarrage serait immédiat car assez simple. Mais "s'il y a réquisition pour redémarrer la production à la raffinerie, il faudra au moins deux semaines", explique Gil Vilard, de la CGT Esso à Fos-sur-Mer.
- Réunion chez TotalEnergies -
"L'essence, c'est trop important pour nous! Vous voyez, ça fait plus d'une semaine qu'on galère", témoigne Santiago, l'un des innombrables coursiers à "galérer" pour faire le plein, à Paris, comme tous ceux dont le véhicule est un outil de travail.
Face à ces files d'attente d'automobilistes exaspérés, interviewés en boucle sur les chaînes d'information, le gouvernement est de plus en plus critiqué par les oppositions. La députée écologiste Sandrine Rousseau a appelé mercredi à "la grève générale".
Une réunion aura lieu mercredi à 14H00 chez TotalEnergies avec notamment la CFDT... A laquelle la CGT, à l'origine de la grève, veut également venir, bien que le groupe ait fixé comme condition à sa participation la levée des blocages.
Le ministère a indiqué qu'un autre arrêté de réquisition serait activé pour le dépôt de carburant TotalEnergies près de Dunkerque, si la grève s'y poursuivait mercredi.
La CGT de TotalEnergies réclame 10% d'augmentation sur les salaires pour 2022, contre les 3,5% obtenus en début d'année.
En cas de réquisition, "on ira devant les tribunaux pour les faire annuler", a averti Eric Sellini.
E.Borstelmann--HHA