Au Tigré, le gouvernement éthiopien dit s'être emparé de trois villes
Le gouvernement éthiopien a annoncé mardi s'être emparé de trois villes du Tigré, région septentrionale d'Ethiopie en proie à un conflit meurtrier, dont la localité-clé de Shire, autour de laquelle les récents combats ont suscité l'inquiétude internationale.
L'armée fédérale éthiopienne "a pris le contrôle des villes de Shire, d'Alamata et de Korem sans combats urbains", a indiqué le gouvernement dans un communiqué.
Les forces rebelles du Tigré avaient annoncé plus tôt la chute de Shire, ville comptant 100.000 habitants avant le conflit et située à une cinquantaine de km de la frontière avec l'Erythrée, pays qui borde tout le nord du Tigré et dont l'armée épaule les troupes éthiopiennes. La ville accueille des milliers d'habitants du Tigré déplacés par le conflit qui ravage le nord de l'Ethiopie depuis novembre 2020.
Shire abrite un aéroport et se trouve sur une route majeure menant dans un environnement escarpé à Mekele, la capitale régionale, à environ 300 km.
Une source humanitaire a confirmé à l'AFP la prise d'Alamata et Korem, villes du sud du Tigré de 70.000 et 35.000 habitants respectivement, situées sur un axe majeur menant à Mekele, à environ 180 km de là.
L'armée fédérale éthiopienne "est entrée dans Alamata hier (lundi) vers 17H00", a déclaré à l'AFP un habitant ayant requis l'anonymat.
Les journalistes n'ont pas accès au nord de l’Éthiopie et les réseaux de télécommunications y fonctionnent de manière très aléatoire, rendant impossible toute vérification indépendante.
- bilan "stupéfiant" -
Ces derniers jours ONU, Union africaine (UA), Union européenne (UE) et Etats-Unis, entre autres, se sont inquiétés de l'intensification des offensives au Tigré, notamment à Shire, cible de plusieurs jours de bombardements.
"Les précautions maximales prises par l'armée fédérale éthiopienne jusqu'ici ont permis de protéger les civils" et ont "évité le sinistre scénario prédit par certains", assure mardi le gouvernement éthiopien dans son communiqué.
Pourtant le nouveau Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme, Volker Türk, a dénoncé le même jour le bilan "profondément stupéfiant" chez les civils des frappes aériennes et tirs d'artillerie au Tigré.
Deux civils et un employé de l'ONG International Rescue Committee (IRC) ont péri dans un de ces bombardements vendredi.
M. Türk a également souligné le "risque important d'escalade, compte tenu de la mobilisation massive et continue de soldats et de combattants" par les belligérants.
Après cinq mois de trêve ayant laissé entrevoir des espoirs de négociations, les combats ont repris depuis le 24 août dans le nord de l'Ethiopie.
Le conflit, qui oppose depuis deux ans le gouvernement fédéral éthiopien du Premier ministre Abiy Ahmed et ses alliés aux autorités rebelles du Tigré, se déroule quasiment à huis clos, le nord de l'Ethiopie étant largement interdit aux journalistes.
Selon des sources concordantes, le Tigré est actuellement pris en tenaille entre, au nord, une offensive conjointe des armées éthiopiennes et érythréennes depuis l'Erythrée, et au sud les troupes éthiopiennes aidées des forces des régions voisines de l'Amhara et de l'Afar.
Près de 40.000 habitants de l'Afar ont été récemment déplacés par les combats à la frontière avec le Tigré, selon le dernier rapport de situation du Bureau de coordination de l'aide humanitaire de l'ONU (Ocha).
- "Incontrôlable" -
Mardi, Redwan Hussein, conseiller à la Sécurité nationale de M. Abiy, a assuré que "le conflit ne dégénère pas comme certains aimeraient le décrire (...) il est en train de diminuer et s'éteindre", répondant implicitement au secrétaire général de l'ONU qui a estimé lundi que "la situation en Ethiopie devient incontrôlable".
Antonio Guterres a réclamé "le retrait immédiat et le désengagement d'Ethiopie des forces armées érythréennes" et demandé à "toutes les parties" de permettre le passage de l'aide humanitaire, dont l'ONU a suspendu l'acheminement depuis la reprise des combats.
Les autorités éthiopiennes ont assuré mardi se préparer à fournir de l'aide humanitaire dans les zones du Tigré passées sous leur contrôle, notamment via l'aéroport de Shire, et travailler au rétablissement des services essentiels (électricité, télécoms...) dont est privée la région.
Les rebelles s'étaient dit dimanche "prêts à respecter" un cessez-le-feu "immédiat" réclamé par l'UA.
Sans répondre directement à cet appel, le gouvernement de M. Abiy, prix Nobel de la paix 2019, a lui justifié sa volonté de poursuivre ses opérations militaires, tout en réaffirmant son souhait "d'une résolution pacifique du conflit via des pourparlers".
Contraint à "des mesures défensives pour protéger la souveraineté et l'intégrité territoriale du pays", il a estimé "impératif" de prendre "le contrôle immédiat de tous les aéroports, autres infrastructures fédérales et installations" au Tigré.
Le bilan des victimes de cette guerre est inconnu. Mais elle a provoqué une catastrophe humanitaire, déplaçant plus de deux millions de personnes et plongeant des centaines de milliers d'Ethiopiens dans des conditions proches de la famine, selon l'ONU.
E.Borstelmann--HHA