L'armée ukrainienne entre dans Kherson après avoir forcé les Russes au retrait
L'armée ukrainienne a annoncé vendredi être entrée dans Kherson (sud) après le retrait forcé des militaires russes, qui constitue un nouveau revers cinglant pour Moscou après bientôt neuf mois de guerre en Ukraine.
"Aujourd'hui est un jour historique. Nous reprenons le sud du pays, nous reprenons Kherson", s'est félicité le président ukrainien Volodymyr Zelensky dans son allocution quotidienne publiée sur les réseaux sociaux.
"Les forces spéciales sont déjà dans la ville", a-t-il ajouté, précisant que leur premier travail allait être de neutraliser les nombreuses mines laissées par l'armée russe, qui occupait Kherson depuis la mi-mars.
Ce repli russe est le troisième d'ampleur depuis le début de l'invasion le 24 février, la Russie ayant dû renoncer au printemps à prendre Kiev face à la résistance acharnée des Ukrainiens, avant d'être chassée de la quasi-totalité de la région de Kharkiv (nord-est) en septembre.
Une vidéo diffusée cette fois par le ministre des Affaires étrangères Dmytro Kouleba montrait des résidents de la localité de Bilozerka, à quelques kilomètres de Kherson, en train d'arracher une gigantesque affiche qui proclamait "La Russie est là pour toujours".
A Kiev, Sergueï, 26 ans et employé du secteur informatique, a dit à l'AFP avoir eu "des larmes" de joie. "C'est un coup dur pour Poutine", se réjouissait pour sa part Isak Danilotvich, mathématicien.
Dans la soirée, sur l'emblématique place Maïdan de Kiev, des habitants de Kherson réfugiés depuis des mois dans la capitale se sont retrouvés dans la liesse. "Nos soldats sont des dieux (...) Ca fait neuf mois qu'on attendait ce moment, Kherson appartient à l'Ukraine et cela pour toujours !", s'enthousiasmait Artem Lukiv, 41 ans, alors que sautaient les bouchons de champagne et qu'était entonné l'hymne national.
Le président français Emmanuel Macron a salué sur Twitter "le retour de Kherson à l’Ukraine, un pas important vers le plein rétablissement de ses droits souverains".
- Pont détruit -
Plus tôt vendredi, le ministère russe de la Défense avait annoncé avoir achevé à 05H00 heure de Moscou (02H00 GMT) "le redéploiement" de ses unités de la rive droite (occidentale) du fleuve Dniepr, où se trouve la ville de Kherson, vers la rive gauche, assurant n'avoir subi aucune perte, ni abandonné de matériel militaire.
Selon Moscou, "plus de 30.000" soldats russes et "près de 5.000 unités d'armements et de véhicules militaires ont été retirés" de la rive occidentale du Dniepr.
Ce repli a toutefois tout du camouflet, le président russe Vladimir Poutine ayant revendiqué fin septembre l'annexion de quatre régions ukrainiennes, dont celle de Kherson.
En dépit de cette retraite, la zone reste "un sujet de la Fédération de Russie", a affirmé vendredi le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. "Il ne peut y avoir aucun changement", a-t-il ajouté, dans le premier commentaire de la présidence russe sur ce repli.
Le camouflet est d'autant plus fort que Vladimir Poutine avait ordonné le 21 septembre la mobilisation de quelque 300.000 réservistes pour consolider justement les lignes russes en difficulté.
L'agence de presse d'Etat Ria Novosti a diffusé des images filmées de nuit de véhicules militaires russes quittant Kherson, indiquant qu'ils empruntaient le pont Antonivsky enjambant le Dniepr.
Plusieurs correspondants russes ont indiqué ensuite, images à l'appui, qu'une partie du viaduc avait été dynamitée par l'armée russe après son retrait pour entraver la progression des troupes ukrainiennes. Celles-ci avaient pilonné des semaines durant ce pont, pour couper les lignes d'approvisionnements russes et forcer Moscou au repli.
- "Réponse cynique" -
La Russie a cependant continué de mener des frappes à travers l'Ukraine, dont une partie de l'infrastructure énergétique a été détruite ces dernières semaines.
Une frappe a encore visé dans la nuit de jeudi à vendredi Mykolaïv, cité du Sud ukrainien à une centaine de kilomètres de Kherson. Un immeuble d'habitation de cinq étages y a été entièrement détruit par une frappe qui a fait au moins sept morts, selon le chef de l'administration régionale, Vitaliï Kim. Il a dénoncé sur Telegram "une réponse cynique de l'Etat terroriste (russe) à nos succès sur le front".
Une journaliste de l'AFP sur place a pu voir un immeuble éventré et les secours explorant les décombres.
Sur le front de l'Est, les combats continuent aussi de faire rage, en particulier à Bakhmout, ville que Moscou tente de conquérir depuis l'été et principal champ de bataille où l'armée russe, appuyée par les hommes du groupe paramilitaire Wagner, reste à l'offensive.
A l'approche du G20, sommet des puissances économiques mondiales prévu la semaine prochaine en Indonésie et où Vladimir Poutine a renoncé à se rendre, la présidence française a voulu voir la possibilité d'un dialogue.
"Il y a un espace très clair au G20 pour porter un message de paix et demander à la Russie d'entrer dans la logique de désescalade", a affirmé un conseiller du président Emmanuel Macron. "Une très grande majorité au sein du club (du G20) considère que cette guerre est énorme et insupportable pour le reste du monde".
Le président ukrainien a cependant répété cette semaine que la première condition pour une négociation était le retrait complet des troupes russes, entrées le 24 février en Ukraine.
A.Swartekop--HHA