La Pologne confirme une frappe de missile "de fabrication russe", son armée en alerte
La Pologne a placé mardi son armée en état d'alerte renforcée après avoir été atteinte par ce qu'elle a décrit comme un "projectile de fabrication russe", qui a fait deux morts et pourrait marquer une escalade majeure du conflit en Ukraine avec l'implication d'un membre de l'Otan.
Les réactions internationales ont fusé dans la foulée de la confirmation polonaise de ce tir dans le sud-est du pays.
"A 15h40 (14H40 GMT), dans le village de Przewodow (...), un projectile de fabrication russe est tombé, tuant deux citoyens de la République de Pologne", selon un communiqué de Lukasz Jasina, porte-parole du ministère polonais des Affaires étrangères, signalant que l'ambassadeur russe avait été convoqué pour "des explications détaillées".
"Il vient d'être décidé de relever le niveau d'alerte de certaines unités de combat... et d'autres personnels en uniforme", avait annoncé plus tôt le porte-parole du gouvernement polonais Piotr Müller.
La Pologne, qui partage une frontière avec l'Ukraine, envahie le 24 février par la Russie, est membre de l'Otan et quelque 10.000 militaires américains se trouvent dans le pays.
La Maison Blanche a fait savoir que le président américain Joe Biden avait échangé au téléphone avec M. Stoltenberg et s'était également entretenu avec son homologue polonais Andrzej Duda.
Paris, Londres et Berlin ont assuré Varsovie de leur soutien, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a exprimé ses "condoléances pour la mort de citoyens polonais victimes de la terreur des missiles russes".
"L'Ukraine, la Pologne, toute l'Europe et le monde doivent être entièrement protégés de la Russie terroriste", a poursuivi M. Zelensky, affirmant avoir "échangé les informations disponibles et (nous) sommes en train de clarifier tous les faits".
Des médias polonais locaux, se basant sur des sources non officielles, avaient fait état plus tôt d'une explosion ayant fait deux morts dans un dépôt de céréales à Przewodow.
- "Garder le calme" -
De son côté, Moscou a qualifié les accusations de tirs russes sur le sol polonais de "provocations".
"Les déclarations de médias polonais et de responsables officiels sur une prétendue chute de missiles russes près de la localité de Przewodow relèvent de la provocation intentionnelle dans le but de créer une escalade de la situation", avait alors réagi le ministère russe de la Défense sur Telegram.
"Aucune frappe n'a été menée sur des objectifs proches de la frontière ukraino-polonaise" par l'armée russe, affirmait le ministère. Les images de "débris publiés par les médias polonais depuis les lieux des faits dans la localité de Przewodow n'ont aucun rapport" avec des projectiles russes.
Dans la nuit de mardi à mercredi, le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki a appelé "tous les Polonais à garder le calme face à cette tragédie", à l'issue d'une réunion d'urgence de son cabinet.
Et le président Duda a relevé qu'il n'y avait à ce stade pas de "preuve équivoque" sur l'auteur du tir du missile meurtrier, "probablement de fabrication russe" selon lui. "Une enquête est en cours", a-t-il tempéré.
A Kiev, le président ukrainien a directement accusé la Russie d'avoir tiré des missiles sur la Pologne, qualifiant cette frappe présumée "d'escalade très importante".
Son ministre des Affaires étrangères Dmytro Kouleba avait demandé une réunion "immédiate" de l'Otan et qualifié de "théories du complot" les allégations, publiées sur internet, selon lesquelles ce pourrait être un missile ukrainien qui serait tombé en territoire polonais.
En Hongrie, le porte-parole du Premier ministre Viktor Orban a indiqué sur Twitter qu'un Conseil de défense avait été convoqué dans la soirée "en réponse au missile qui a frappé le territoire de la Pologne".
Le président du Conseil européen Charles Michel a annoncé qu'il proposerait "une réunion de coordination mercredi avec les dirigeants de l'UE" présents au G20 à Bali, après avoir parlé avec le Premier ministre polonais.
Selon la présidence française, Emmanuel Macron "explore la possibilité d'une discussion" dès mercredi matin "au niveau des leaders" réunis sur l'île indonésienne, pour "analyser les risques" et "prévenir une escalade du conflit", "compte tenu de la présence de tous nos grands partenaires européens et nos grands partenaires alliés au G20".
- "Gifle au visage du G20" -
L'article 5 du traité de l'Alliance atlantique affirme que si un Etat membre est victime d'une attaque armée, les autres considèreront cet acte de violence comme une attaque armée dirigée contre l'ensemble des membres et prendront les mesures jugées nécessaires pour venir en aide au pays attaqué.
Si une attaque d'origine russe était confirmée cela constituerait une aggravation sérieuse du conflit en Ukraine.
Ce tir est intervenu au soir d'une journée marquée par une intense campagne de bombardement russe sur les infrastructures ukrainiennes, qualifiée par le président Zelensky de "gifle au visage du G20".
L'Ukraine a été frappée par des attaques russes d'une ampleur inédite selon Kiev --une centaine de missiles-- contre les réseaux énergétiques qui ont rendu la situation "critique".
Ces frappes, qui ont fait au moins un mort à Kiev, ont entraîné des coupures de courant généralisées en Ukraine et jusque dans la Moldavie voisine, aux portes de l'UE.
Selon M. Zelensky, ces frappes ont provoqué l'arrêt automatique de réacteurs dans deux centrales nucléaires en Ukraine. Dix millions d'Ukrainiens ont été privés d'électricité mais quelque huit millions avaient bénéficié de réparations d'urgence mardi soir, a-t-il précisé.
Selon lui, 85 missiles ont été tirés sur les villes ukrainiennes, de Kiev à Lviv, près de la frontière polonaise, et de Kharkiv au nord-est à Odessa au sud-ouest. D'après l'armée de l'Air, pas moins de cent missiles ont été tirés.
Un responsable de l'administration présidentielle ukrainienne a publié une vidéo montrant un immeuble de cinq étages en flammes.
"Nous étions au lit (quand l'immeuble a été frappé). Nous nous sommes précipités dans le couloir, et c'était déjà enfumé", a raconté à l'AFP Svitlana Romantchouk, 66 ans, qui vivait au quatrième étage de cet immeuble en brique avec son mari Petro, 72 ans.
- Nouveau retrait russe -
Des frappes ukrainiennes sur la région russe de Belgorod, frontalière au nord-est, ont fait deux mort et trois blessés, a indiqué sur Telegram le gouverneur de la région Viatcheslav Gladkov.
Les frappes massives sur l'Ukraine ont eu lieu quatre jours après l'humiliant retrait des forces russes d'une partie de la région de Kherson, dont la ville du même nom, dans le sud, après plus de huit mois d'occupation.
Signe des difficultés des Russes sur le terrain, les autorités d'occupation dans la région de Kherson, dont Moscou revendique l'annexion, ont dû abandonner une nouvelle ville, Nova Kakhovka.
Cette ville est située sur la rive gauche (orientale) du fleuve Dniepr, où les forces russes s'étaient repliées la semaine dernière faute de pouvoir tenir la rive droite (occidentale), où se trouve Kherson.
Les frappes sont aussi survenues en plein sommet du G20 en Indonésie, boudé par le président russe Vladimir Poutine qui n'a pas même souhaité s'y exprimer par visioconférence.
E.Mariensen--HHA