Royaume-Uni: face à l'inflation, Blackpool la défavorisée s'inquiète du retour de l'austérité
"Il doit faire plus pour nous aider": dans la station balnéaire populaire de Blackpool, dans le nord-ouest de l'Angleterre, habitants et petits commerçants frappés par la crise du coût de la vie attendent avec inquiétude les annonces budgétaires du gouvernement jeudi.
"Les courses basiques d'oeufs, de bacon et de saucisses que je sers à mes clients ont augmenté de 10 à 15 livres (12 à 18 euros) ces deux dernières semaines", s'offusque Tracy Applin, gérante d'un hôtel dans le centre-ville.
"Nous allons souffrir. Je ne sais pas combien de temps, mais (le gouvernement) doit faire plus pour nous aider", dit-elle à l'AFP.
Le ministre des Finances Jeremy Hunt, doit dévoiler jeudi une potion budgétaire amère, faite de hausses d'impôts et de baisses des dépenses publiques.
Même s'il a promis d'être "juste" envers les plus défavorisés durement frappés par une inflation qui dépasse les 10%, beaucoup de Britanniques redoutent ce retour annoncé de l'austérité.
Tracy s'inquiète des répercussions des hausses d'impôts à venir sur l'activité touristique de la ville de quelque 140.000 habitants, qui attire chaque année, rien qu'entre septembre et janvier, environ 3,5 millions de personnes venues admirer ses célèbres illuminations.
"Habituellement à cette époque de l'année, j'ai déjà une quarantaine de réservations pour l'année prochaine. Mais pour l'instant je n'en ai que cinq ou six", remarque-t-elle.
Elle pourrait fermer son hôtel pour l'hiver, mais elle assure ne pas pouvoir se le permettre avec les factures à payer.
Julie Newby et son mari Kevin, deux retraités, se disent aussi très inquiets par leur facture d'énergie, qui a plus que doublé en une année pour atteindre 220 livres (250 euros) par mois.
Julie espère "juste plus d'aide pour les gens qui vivent dans la pauvreté", et un peu de répit pour elle-même alors qu'elle doit s'occuper de son mari et de son fils, tous deux handicapés.
"Je n'arrête pas d'éteindre les lumières, nous essayons de faire nos machines la nuit plutôt que le jour parce qu'il paraît que c'est moins cher. Nous essayons de ne pas utiliser le sèche-linge, mais parfois nous n'avons pas le choix", raconte-t-elle.
- "Point de rupture" -
Selon les statistiques officielles, Blackpool, située au nord de Liverpool et ancien haut lieu du tourisme britannique avec ses casinos, est la plus défavorisée des 317 entités locales d'Angleterre si l'on prend notamment en compte revenus moyens, taux de chômage, criminalité et santé.
"Les gens ont des difficultés pour manger, ont aussi des difficultés pour chauffer leur maison. Cela a des effets sur leur santé et leur bien-être en général", explique à l'AFP Maggie Cornall, une responsable du conseil municipal de Blackpool.
Cette situation entraîne aussi d'autres répercussions comme une augmentation de la consommation d'alcool et de drogue, qui se ressent dans les services d'urgences de l'hôpital, ajoute-t-elle.
Elle espère qu'au-delà des aides déjà débloquées pour les plus modestes, le gouvernement interviendra sur le marché de l'énergie pour limiter la flambée des prix.
Selon le Trussell Trust, qui gère plus de 1.200 banques alimentaires à travers le Royaume-Uni, la crise du coût de la vie qui frappe le pays crée une pression gigantesque sur ces centres, désormais à un "point de rupture".
Entre avril et septembre, 320.000 personnes supplémentaires se sont tournées pour la première fois vers une banque alimentaire de l'association. Elle a délivré près de 1,3 million de colis alimentaires, soit un tiers de plus que sur la même période de l'an dernier.
"Il faut prendre conscience que les personnes qui vivent dans des endroits comme Blackpool, qui sont les plus vulnérables, ont une résilience bien moindre et doivent être massivement aidées", prévient Maggie Cornall.
H.Brunner--HHA