Coup de sang entre les biologistes et le gouvernement
Le différend qui oppose les biologistes au gouvernement sur le budget de la Sécu vire au bras de fer: depuis jeudi, les laboratoires n'alimentent plus le fichier des tests Covid (SI-DEP), un boycott "inadmissible" pour l'exécutif.
Après plusieurs avertissements, les biologistes sont passés à l'action. Dénonçant depuis un mois la "ponction" de 250 millions d'euros que le gouvernement entend leur imposer via le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, ils ont cessé de transmettre les résultats de leur tests de dépistage RT-PCR au fichier national SI-DEP. Au risque de casser le thermomètre de l'épidémie.
Cette décision "est inacceptable", a réagi Gabriel Attal, jeudi sur franceinfo. Le ministre des Comptes publics met en avant les gains liés au Covid pour ce secteur qui a engrangé "7 milliards d'euros de chiffre d'affaires en plus grâce aux tests payés par la Sécurité sociale".
Il "assume" ainsi de leur "demander un effort dans le budget de la Sécurité sociale de 250 millions d'euros en 2023". Un "effort" sujet à interprétation: les biologistes y voient un "rabot aveugle" qui sera pérennisé les années suivantes.
"Une interprétation erronée", ont rétorqué M. Attal et le ministre de la Santé, François Braun, dans une lettre envoyée mercredi aux directeurs de laboratoires, et que l'AFP s'est procurée.
Dans ce courrier, les ministres jugent "inadmissible" cet "appel à la suspension de la transmission des données" et réaffirment "la nécessaire surveillance de l'épidémie". Ajoutant compter "sur le sens de la déontologie" des directeurs de laboratoires pour "assurer la continuité de l'accès aux soins", ils estiment que "si cette mobilisation était suivie" cela "reviendrait à prendre en otage les patients"
Mais faisant fi de cette injonction officielle, les laboratoires ont maintenu leur mouvement, afin d'"envoyer un message" au gouvernement.
- Menace de grève -
Déplorant la "fin de non-recevoir" du ministre des Comptes publics, l'Alliance de la Biologie Médicale (ABM), qui regroupe les syndicats et les principaux groupes de laboratoires, continue de dénoncer un "coup de rabot" qui risque de "désorganiser structurellement toute une filière reconnue comme exemplaire" pour son rôle durant l'épidémie.
Plutôt qu'une "cure d'économie" pour "régler une situation qui n'est que conjoncturelle", ses membres se disent "prêts à travailler à une régulation tarifaire pour participer à la maîtrise des dépenses de santé" et ajoutent avoir soumis jeudi matin à l'Assurance maladie "une contre-proposition" pour les trois prochaines années.
Sauf que la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) attend d'abord "que les représentants du secteur adoptent une attitude responsable". Son directeur Thomas Fatôme a fermement condamné le boycott du fichier SI-DEP, déclarant dans un communiqué que "prendre en otage ainsi le suivi de l'épidémie du Covid-19 est inacceptable au regard du contexte sanitaire et des enjeux de santé publique".
Soulignant au passage que la rentabilité déjà élevée des laboratoires "s'est encore accrue" à la faveur de la crise sanitaire, il ajoute "souhaiter poursuivre le dialogue avec les biologistes", mais leur demande au préalable de "garantir à la fois la continuité des soins et l'accomplissement de leurs missions au service de la santé publique"
Mais certains envisagent déjà d'aller plus loin. Les Biologistes Indépendants, réseau regroupant plus de 600 laboratoires hors grands groupes, menacent ainsi "de fermer nos laboratoires et de nous mettre en grève si nous ne parvenons pas à un accord raisonnable".
Et rejettent la faute sur le gouvernement, qui "sans aucune concertation ni souhait d'engager un dialogue constructif", leur "fait assumer les conséquences notoires de ses décisions".
Le conflit semble parti pour durer: le projet de budget sur lequel le gouvernement a déclenché le 49.3 mercredi soir maintient la mesure en l'état.
J.Burmester--HHA